AVANCEES et RECULS DE LA LAÏCITE DEPUIS 1905

Marc MONDON

Sources :

– Bernard TEPER « Laïcité plus de liberté pour tous » 2014 Eric JAMET Editeur et divers articles publiés dans REsPUBLICA

– « L’heure laïque » (Jean CORNEC et Michel BOUCHAREISSAS) 1982 Edité par Clancier Guénaud

– Jean Paul SCOT « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle » 2005 Edité au Seuil

– la loi de 1905 en en particulier le rapport BRIAND préalable au débat sur la loi (268 pages rassemblées par Briand et son équipe)

– Caroline FOUREST « Génie de la Laïcité » 2016 GRASSET

– Guy GEORGES « Chronique aigre douce d’un hussard de la République » Edition Romillat 2002

– l’ABC de la laïcité d’Eddy KHALDY

– divers articles de l’hebdomadaire MARIANNE

PREMIERE PARTIE : de 1905 à 1989

1- LA LOI DE 1905

Aristide BRIAND : cernons rapidement le personnage :

Né le 20 mars 1862 à Nantes est le fils d’une lingère et d’un cabaretier installé à St Nazaire: le café de France fréquenté par des marins et des dockers.

Brillant élève quoique peu travailleur et très intelligent, il fait son droit à Paris pour devenir avocat.

Il devient journaliste politique proche de Fernand PELLOUTIER pionnier du syndicalisme révolutionnaire et de Jean JAURES avec qui il signe en 1898 l’appel des intellectuels pour la révision du procès de DREYFUS.

Elu en 1902 député de St Etienne, il s’impose à l’Assemblée comme un brillant orateur.

C’est cet homme politique qui va être le rapporteur de la loi de 1905.

Il sera la cible de l’extrême droite représentée par Léon DAUDET de l’Action-Française, qui disait de lui il était un « cancre grandi sur les genoux des prostituées de St Nazaire ».

Son œuvre :

La loi du 9 décembre 1905 dite de séparation des Eglises et de l’Etat. Appliquée au 1er janvier 1906.

Des 44 articles plus ou moins abscons on peut retirer l’idée centrale de séparation.

La séparation cela signifie que l’Etat est d’un côté ; l’Eglise de l’autre, qu’ils ne peuvent plus s’immiscer réciproquement dans leurs affaires respectives.

L’Etat laïque est souverain au plan politique.

L’Eglise est libre en matière religieuse et s’abstient de tout rôle politique… sinon on tombe dans ce que l’on appelle alors le CLERICALISME, et ce que l’on appellerait aujourd’hui l’INTEGRISME.

C’est l’application de la fameuse formule de Victor HUGO prononcé 50 ans plus tôt : « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle »

Le contenu de la loi :

Les deux premiers articles sont fondamentaux :

ARTICLE 1 la liberté de conscience

La reconnaissance de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes.

La liberté de conscience c’est un ensemble de droits :

– le droit de CROIRE (être CROYANT)

– le droit de NE PAS CROIRE (être ATHEE)

– le droit d’être INDIFFERENT de na pas avoir d’opinion (être AGNOSTIQUE)

– le droit d’ABANDONNER sa religion ou d’en CHANGER (être APOSTAT)

et de manière corollaire le droit de PRATIQUER le culte de son choix (être PRATIQUANT)

ARTICLE 2 la neutralité de l’Etat

La neutralité de l’Etat qui ne reconnaît ne salarie ne subventionne aucun culte.

L’ETAT est neutre, ses responsables, ses agents, ses bâtiments sont neutres aussi …

La loi définit la laïcité sans jamais que le mot ne soit utilisé.

La référence aux DROITS DE L’HOMME:

EN 1905 les fidèles catholiques encore très nombreux et fortement représentés au Parlement.

Briand a la volonté de les respecter mais aussi de traduire dans la loi les principes de la Révolution Française proclamés dans les deux déclarations des droits de l’Homme et du Citoyen en 1789 et 1793.

Il passe d’une formule négative « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur expression ne trouble pas l’ordre public établi par la loi »

A un formule positive : « La République assure la liberté de conscience … et le libre exercice des cultes sous les seules conditions… de l’intérêt de l’ordre public.»

et l’on retrouve la formulation de la constitution de la première République le 27 septembre 1791 «  la liberté pour chacun d’exercer le culte auquel il est attaché. »

Un préambule historique important

Plus intéressant que la loi écrite en langue très administrative, est le préambule historique qui est constitué de plusieurs chapitres :

– le premier, retrace l’histoire du culte catholique en quatre parties : de Clovis à Mirabeau, de la Révolution au Concordat, du Concordat au Syllabus de Pie X (Un syllabus est un recueil destiné à rappeler les questions tranchées par l’autorité papale. publié le 8 décembre 1864, il est notamment considéré comme une condamnation de la séparation de l’Église et de l’État) enfin de 1870 à 1905.

– le deuxième s’intéresse au culte protestant, son origine, son organisation et son implantation.

– le troisième fait l’historique de l’émancipation des juifs (27 septembre 1791 sous la Révolution) et de l’organisation du culte israélite sous Napoléon

Il insiste sur l’erreur du gallicanisme une relative indépendance du Clergé par rapport à Rome ce qui se traduit souvent pas une certaine soumission de l’Eglise au pouvoir politique exemple : la Constitution civile du clergé.

L’opposition de l’Eglise  Catholique:

Le Pape Pie X, opposé à la loi BRIAND, rompt alors les relations entre la République et le Vatican… qui depuis le 29 mars 1790 condamne la déclaration des droits de l’Homme.

Pour quelles raisons ?

L’Eglise catholique apostolique et romaine est la grande perdante de ce qui est aussi la fin du concordat napoléonien qui lui accordait des avantages financiers considérables puisque tous les clercs, du simple curé au cardinal, étaient jusqu’alors payés par l’Etat français.

Il faudra attendre le CONCILE VATICAN II en 1962 pour que le Vatican change de position et admette la déclaration de Droits de l’Homme et la loi de Briand … en même temps que l’abandon de la soutane et de la messe en latin.

2- APRES 1905 : UNE SUCCESSION DE RECULS pour peu d’AVANCEES

Quelques avancées: les circulaires de Jean ZAY, les constitutions de la 4ème et de la 5ème République, la loi du 15 mars 2004. Le travail de Vincent PEILLON… pour un grande série de reculs.

Mais voyons tout ça dans le détail :

D’abord le maintien de la loi Falloux du 25 mars 1850 qui autorise les communes, les départements et l’Etat à accorder une subvention aux établissements privés sans que cela puisse excéder 10% des dépenses annuelles.

Ensuite 6 mesures législatives vont constituer des atteintes à la laïcité:

1907 la loi du 2 janvier autorise l’exercice des cultes sous le régime de la loi de 1901 (associations culturelles) Pour la première fois on passe du cultuel au culturel.

Dérogation aux articles 2 et 4 de la loi BRIAND.

1908 la loi du 13 avril fait des édifices du culte catholique construits avant 1905 la propriété des collectivités publiques qui devront assurer l’intégralité des charges afférentes. C’est un avantage considérable pour l’Eglise catholique.

Dérogation à l’article 4 de la loi BRIAND.

1919 la loi du 25 juillet dite loi ASTIER établit qu’aucune limite ne peut être fixée aux subventions des collectivités locales en faveur de l’enseignement technique privé.

1920 la loi du 21 août déroge à la loi BRIAND à propos de la construction de la grande mosquée de Paris en faisant une donation perpétuelle et gratuite des terrains et en accordant une subvention 500 000 F.

Il s’agissait de reconnaître le sacrifice des musulmans tués lors de la grande guerre et de leur rendre ainsi hommage.

1921 Le maintien du statut d’Alsace Moselle : Le gouvernement d’Union Nationale n’applique pas les lois laïques à l’Alsace Moselle redevenues françaises suite à 1918. Les dispositifs du concordat napoléonien continuent à s’y appliquer. (Curés et évêques sont considérés comme des fonctionnaires français)

1924 confirmation du statut des départements concordataires Le gouvernement du Cartel des Gauches renonce à étendre la séparation dans les départements d’Alsace Moselle.

LE FRONT POPULAIRE

La période du Front Populaire est une période favorable à la laïcité en particulier à travers le travail du ministre Jean ZAY qui promulgua 3 circulaires à ce sujet.

Les circulaires de Jean Zay

Jean Zay, figure du progressisme éducatif, fut le ministre de l’Education nationale du Front Populaire assassiné par la Milice de Pétain en 1944 .
Pour lui
les établissements scolaires devaient rester « l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ».

Ainsi la première interdiction des signes religieux et politiques à l’école publique, au nom de la protection de l’enfance, fut bien l’œuvre du Front Populaire.

Les circulaires de Jean ZAY en juillet et décembre 1936, mai 1937, s’inscrivent dans un contexte particulier : les années 1936-37.

En 1934, le spectre des ligues fascistes et réactionnaires fait trembler la République; c’est une époque de grande violence politique qui se trouve évidemment projetée dans les établissements scolaires. On y dessine à la craie des croix gammées ou des faucilles et des marteaux sur les murs; les bagarres entre jeunes des deux bords sont récurrentes et même les professeurs et chefs d’établissements ne se gênent souvent pas pour faire de la propagande active, aussi bien brune que rouge.

Voilà qui justifie les circulaires Jean Zay. « L’ordre et la paix doivent être maintenus à l’intérieur des établissements scolaires ». Jean Zay voulait contrer l’influence de groupes politiques anti-républicains, dont certains usaient abondamment des symboles religieux chrétiens.

Le 1er juillet 1936 la première circulaire parle ainsi des insignes : « tout objet dont le port constitue une manifestation susceptible de provoquer une manifestation en sens contraire ».

Le 31 décembre 1936 la deuxième circulaire (contre l’agitation politiue dans les établissements scolaires) détaille les raisons qui poussent le ministère à agir : l’inexpérience des mineurs les rendrait particulièrement vulnérables à la propagande. On y parle de « tract », de « recruteurs » et de « propagandistes » politiques, de « programme d’un parti » et « d’enrôlement ».

Le 15 mai 1937 troisième circulaire a pour sujet le prosélytisme religieux. Elle vise précisément la « propagande confessionnelle ». Le passage central précise « L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. »

Pour Jean ZAY, il est clair que les signes et les tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse peuvent être interprétés comme l’indice d’une forme de militantisme et doivent être proscrits du champ de l’école .

Ces circulaires vont s’appliquer jusqu’en 1989. (loi JOSPIN)

L’OCCUPATION

1940 la République est abolie et remplacée par l’Etat français de Pétain.

D’entrée le général WEIGAND donne le ton en déclarant : « Tous les malheurs de la Patrie viennent du fait que la République avait chassé Dieu de l’école. Notre premier devoir sera de l’y faire rentrer »

Et cela commence par l’abrogation de la loi portant sur l’interdiction d’enseigner aux congrégations datant de 1904.

1940 : 18 septembre suppression des Ecoles Normales. Elles sont censées être remplacées par des Instituts de formation Professionnelle … qui ne verront jamais le jour.

En même temps tous les instituteurs suspects sont révoqués et en premier lieu les syndicalistes. Le SNI et la Ligue de l’Enseignement sont dissous.

1940 L’arrêté du 3 novembre précise que dans les programmes de l’école primaire, il faudra assurer « des entretiens familiers et des lectures … sur les principaux devoirs envers Dieu ». L’enseignement religieux est réintroduit dans le programmes de l’enseignement public dès 1941.

1941 la loi du 15 octobre étend aux élèves des écoles privées le bénéfice de la caisse des écoles et des bourses.

1942 la loi du 24 décembre prévoit de ne plus considérer comme subventions les sommes allouées aux réparations aux édifices non classés. Auparavant seules les réparations aux monuments classés étaient possibles. Mesure non abrogée à la Libération.

LA LIBERATION

le 27 octobre 1946 la Constitution de la 4ème République est adoptée. Pour la première fois dans son article 1, elle reconnaît le caractère laïque de la République. « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale »

La libération arrivant, on peut espérer en la suppression des largesses accordées à l’Enseignement Catholique.

Le camp laïque est cependant partagé entre ceux qui souhaitent le retour à la formule historique  « à l’école publique fonds publics, à l’école privée fonds privés » et ceux qui prônent la réconciliation des deux écoles dans le prolongement de la Résistance qui a vu se côtoyer des laïques et des chrétiens.

Le débat porte sur la LIBERTE de l’ENSEIGNEMENT : deux conceptions s’opposent :

– d’un côté il y a les LAIQUES qui considèrent qu’il s’agit, à la manière de CONDORCET, de donner un enseignement affranchi de toute tutelle politique, philosophique, religieuse,

– et de l’autre côté il y a la HIERARCHIE RELIGIEUSE qui considère qu’il s’agit de sauvegarder et même d’améliorer les avantages obtenus sous le régime de Pétain.

1949 création du Comité National de Défense Laïque qui regroupe 5 organisations (la Ligue de l’Enseignement, la fédération des Conseils de Parents d’Elèves, la fédération de DDEN (alors Délégués cantonaux) le SNI et la FEN.

car les atteintes à la laïcité perdurent avec les élections législatives de 1951 qui donnent une majorité à la Droite.

l’APPLE (Association Parlementaire Pour la Liberté de l’Enseignement) dépose des projets de lois aussitôt adoptés.

1951 Le 4 septembre la loi MARIE du nom du ministre de l ‘Education Nationale, accorde, sans condition, une bourse aux élèves de l’enseignement privé entrant en 6ème. Jusque là cette bourse était réservée aux élèves de l’enseignement public qui avaient réussi au concours des « bourses ». Il s’agit d’une subvention déguisée aux familles du privé.

1951 Le 9 septembre, la loi BARANGE met à disposition de tout chef de famille une allocation de 1 000F par enfant et par trimestre.
– Pour les élèves du public, cette allocation est versée au Conseil Général qui aide les communes à entretenir les locaux scolaires.

– Pour les élèves du privé, l’allocation est mandatée directement à l’Association de parents d’Elèves de l’établissement. C’est donc une subvention directe de l’Etat aux écoles privées.

Ces deux lois présentées comme nécessaires à la sauvegarde de l’Enseignement Catholique, elle même garante de la liberté religieuse se révèlera être en fait l’assise d’une offensive politique soigneusement graduée dont la cible principale fut l’enseignement public.

A la suite du vote de ces lois anti-laïques, le CNDL devient le CNAL Comité national d’Action Laïque.

1953 La loi PLEVEN permet l’octroi des bourses aux étudiants de l’enseignement supérieur privé.

LA 5ème REPUBLIQUE

le 31 décembre 1959 La loi DEBRE est votée sans concertation préalable et malgré une réaction forte des républicains attachés au principe de laïcité.
Elle définit le statut de l’enseignement privé en abandonnant le principe républicain « A école privée fonds privés, à école publique fonds publics. » C’est l’officialisation d’un dualisme scolaire qui garantit le financement des établissements privés.

A partir de ce moment l’Etat va entretenir deux réseaux scolaires concurrents et le communautarisme scolaire ne va demander qu’à s’étendre.

Le contenu de la loi DEBRE

Elle met en place  pour 9 ans :

– des contrats simples subordonnés à 3 conditions : des effectifs suffisants, des locaux aux normes, des enseignants ayant les titres requis. Dans ces conditions, l’Etat prend en charge les traitements et les charges sociales.

– des contrats d’association en fonction d’un « besoin scolaire reconnu par l’Etat » par exemple en cas de pénurie dans l’enseignement public. L’Etat verse la totalité des traitements, la fiscalité et les charges sociales. L’allocation BARANGE demeure et une somme forfaitaire supplémentaire est versée aux établissements secondaires.

Elle introduit des concepts fumeux comme le « caractère propre » ou le « besoin scolaire reconnu » pour justifier ce qui n’est qu’une séparation institutionnalisée des enfants en fonction des croyances religieuses de leurs parents.

La réaction du CNAL

Une pétition nationale contre la loi de division scolaire recueillit 10 813697 signatures soit plus de la moitié du corps électoral de l’époque. Notons que dans le Loire 160 098 signatures furent recueillies nous plaçant au 11ème rang national.

Un rassemblement de plusieurs réunit à Vincennes plusieurs centaines de républicains laïques qui y firent le serment de lutter sans relâche pour obtenir le retrait des lois anti-laïques.

Mais la Droite gaulliste continua malgré tout sa politique nocive.

LES ATTEINTES A LA LAICITE CONTINUENT

1970 Le ministre Olivier GUICHARD promulgue une série de décrets favorables à l’enseignement privé :

– réduction du délai de fonctionnement à 2 ans pour prétendre à un contrat,

– alignement du contrat simple sur le contrat d’association pour les aspects financiers,

– assouplissement de la référence aux horaires de l’enseignement public,

– ouverture des centres de formation aux maîtres du privé.

1971 La loi POMPIDOU proroge la loi DEBRE qui arrive à son terme (9ans +3)

Le gouvernement Chaban Delmas est partagé sur la suite à donner :

– ou supprimer les contrats simples et prévoir une nouvelle période limitée pour les contrats d’association (position Chaban Delmas) – ou pérenniser tout le système et ajoutant la possibilité d’inscrire d’office au budget des communes récalcitrantes les frais de fonctionnement des écoles privées (position Pompidou).

C’est la seconde qui l’emporte.

D’autre part la loi permet au Patronat d’intervenir dans le système scolaire et apparaissent alors deux types d’enseignement privé : le privé confessionnel et privé patronal.

1977 La loi GUERMEUR assure la parité entre public et privé en matière de financement de la formation des maîtres. Elle garantit le maintien du caractère propre ( en fait religieux) des établissement privés confessionnels.

LA GAUCHE AU POUVOIR

1981 Les gouvernements dit de « Gauche » de l’ère MITTERRAND vont renoncer à appliquer le programme sur lequel ils ont été élus qui prévoyait l’abrogation des lois MARIE-BARANGE-GUERMEUR … mais aussi la création d’un Grand Service Public Unifié Laïque de l’Education Nationale (SPLULEN) … sans monopole sans spoliation.

« Sa gestion sera décentralisée et les contrats d’association et les droits des enseignants seront respectés » disait-on.

Le programme commun de la Gauche, puis les 110 propositions du candidat, avaient en effet repris les conclusions du CNAL pour sortir du dualisme scolaire.

Le ministre Alain SAVARY est en charge du dossier. C’est un laïque sincère, un homme de caractère.

Il quitta la SFIO en 1958 pour former le PSA devenu PSU. En 1968 il rejoindra le PS dont il devint 1er secrétaire l’année suivante.

Ministre du gouvernement MOLLET il démissionna en 1956 pour protester contre la capture aérienne de BEN BELLA et de la préparation de l’opération de SUEZ contre NASSER.

En acceptant le portefeuille, il n’ignorait pas les difficultés.

Il ne savait pas c’était le manque de soutien qu’il aurait à craindre, au sein de son gouvernement, aussi bien de président de la République que du premier ministre Pierre MAUROY .

Alors qu’il aurait fallu faire vite dans la foulée des élections, le gouvernement fit traîner les choses, laissant aux adversaires de la laïcité tout le temps de se préparer au blocage que l’on sait.

Les négociations entre les différents acteurs avaient permis toutefois au ministre d’établir un compromis acceptable pour ceux dont l’objectif était de rapprocher les établissements publics et privés d’enseignement.

Ce n’était pas le SPULEN mais l’idée importante était la constitution des EIP « établissements d’intérêt public » qui associeraient les écoles publiques, les écoles privées et les collectivités locales.

C’était une avancée mais ce n’était pas le SPULEN et les laïques, ne voyant pas l’aboutissement de la promesse, se font entendre, notamment lors du rassemblement du BOURGET à l’occasion de la commémoration de la loi de Jules FERRY (1882 sur l’école laïque et obligatoire). Ils considèrent que le projet ne va pas assez loin dans le sens d’un service public laïc de l’éducation.

De leur côté, les tenants des écoles privées se font entendre de plus en plus vivement au cours de différentes manifestations.

Le projet de loi SAVARY est finalement présenté au Parlement où le Parti socialiste majoritaire fait preuve de peu d’enthousiasme.

Le 22 mai 1984, le député PS André LAIGNEL propose deux amendements importants justifiés sur le fond, mais qui vont mettre le feu aux poudres:

– le premier vise à interdire la création d’une école maternelle privée sauf s’il y a déjà une école maternelle publique dans la commune, afin d’éviter que ne se créent des communes où le seul enseignement proposé serait privé ;

– le second soumet le maintien des contrats entre l’État et chaque établissement privé d’enseignement à la condition que la moitié au moins des maîtres du privé soient intégrés dans la fonction publique à l’issue d’un délai de sept à neuf ans. .

Les associations de parents du privé réagissent très vivement à cette initiative et organisent une grande manifestation à Paris un mois plus tard qui rassemble deux millions de personnes selon les organisateurs, et 850 000 selon la police.

François MITTERRAND, invité de TF1 le 14 juillet 1984, tout en rendant hommage à Alain SAVARY et en trouvant « bonne » sa « loi», annonce qu’il en demande le retrait.

Alain SAVARY apprend l’information par la télévision, il présente sa démission, suivi de Pierre MAUROY quelques heures plus tard. Le soir, Laurent FABIUS est nommé Premier ministre.. Jean Pierre CHEVENEMENT est nommé ministre de l’Education.

Retour à la case départ et la « messe laïque » est dite.

On doit se poser la question de savoir pourquoi nous avons échoué, pourquoi les parents d’élèves du privé se sont plus mobilisés que les parents d’élèves du public, établissant ainsi un rapport des forces qui nous fut fatal.

Plusieurs hypothèses sont avancées pour comprendre cet échec.

– 1°) la trahison politique, l’atermoiement du gouvernement Mauroy refusant de profiter de l’élan de l’élection présidentielle.

– 2°) Ie fait qu’il est plus facile de mobiliser quand on se trouve dans l’opposition, parce qu’on peut apparaître comme l’agressé et non pas comme l’agresseur.

– 3°) La constat qu’une minorité des parents d’élèves reste fidèle à un type d’enseignement soit dans le public soit dans le privé. La majorité d‘entr’eux sont aujourd’hui des « zappeurs ». Ils considèrent que le privé doit rester un recours en cas de difficulté dans le public.

– 4°) Le résultat de la loi Debré qui a organisé le rapprochement des deux types d’enseignement dans leur financement mais aussi dans leur fonctionnement.

-5°) Le soutien actif de la hiérarchie catholique et l’activisme des APEL (Association des Parents d’Elèves des Ecoles Libres) qui ne manquent pas de moyens financiers car l’adhésion des familles est quasi automatique. En effet, les parents ne savent pas toujours qu’ils cotisent à l’APEL, puisque la somme est intégrée dans les frais de scolarité. Il est même arrivé qu’un établissement prélève des cotisations pour l’UNAPEL alors même qu’il n’a pas d’APEL locale.

Mais la Gauche persévéra dans ses erreurs :

1985 La loi CHEVENEMENT du 9 janvier adapte la loi DEBRE à la décentralisation, elle fixe les dépenses obligatoires pour les collectivités locales au bénéfice des écoles privées.

8 Novembre 1990 le ministre de la Culture Jack LANG autorise le financement sur fonds publics de la Cathédrale d’EVRY, sur le prétexte suivant: «  l’aide qu’il envisage d’apporter pour la promotion de l’art contemporain et de l’art sacré dans le cas de cette nouvelle construction est le complément logique de l’aide régulièrement apportée au titre de la restauration des monuments historiques dans le cas des cathédrales existantes. » (extrait du journal officiel débats au Sénat )

Jack LANG viole allègrement lla loi de 1905 en confondant le cultuel et le culturel.

13 juin 1992 : les accords LANG (ministre de l’Education) CLOUPET (Secrétaire général de l’Enseignement Catholique) accordent 1,8 milliards de Francs à l’Enseignement Privé en établissant la parité avec l’Enseignement Public pour les personnels. Il a également consolidé le concordat en Alsace-Moselle en alignant la rémunération des officiers du culte par l’État sur la Catégorie A de la fonction publique, avec le bénéficie des indemnités chômage (Assedic).

Max Cloupet, alors secrétaire général de l’enseignement catholique, était connu pour sa déclaration dans le Monde : « L’école catholique entend garder son caractère propre et proposer un regard chrétien sur le monde, y compris en mathématiques et en physique »

2001 le rapport DEBRAY rédigé à la demande de Jack LANG préconise un module de formation des maîtres du public en IUFM concernant « la philosophie de la laïcité et l’enseignement du fait religieux ». Le ministre LANG fait disparaître la référence à la laïcité ne conservant que l’enseignement du fait religieux.

LA DROITE CONTINUE SA POLITIQUE

  1993 la volonté d’abroger la loi FALLOUX

François BAYROU ministre du gouvernement BALLADUR veut donner satisfaction à l’UNAPEL qui avait obtenu avant les élections législatives de mars 1993 que les deux partis de droite (le RPR et l’UDF) inscrivent dans leur programme électoral la promesse de faire voter la révision. 

La loi Falloux votée en 1850, est très favorable à l’enseignement privé, mais elle interdisait à l’Etat et aux collectivités locales de financer plus de 10% des investissements (constructions et réparations). Pour BAYROU Il s’agissait de faire sauter ce carcan.

La manifestation du CNAL le 16 janvier 1994 connaît un immense succès: plus de cinq cent mille personnes défilent dans la capitale pour demander « l’abrogation de l’abrogation de la loi Falloux « . Ce genre de  »tête à queue » existe dans l’Histoire… 

Le président de la République François Mitterrand peut se permettre de promulguer la loi en l’amputant de son article essentiel (l’article 2) dans lequel résidait toute la nouveauté, une loi qu’il qualifie alors avec un mélange d’ironie et de satisfaction de « loi-moignon« .

Le Conseil constitutionnel saisi par le parti socialiste fait connaître sa décision. Il précise que la liberté de l’enseignement et l’aide à l’enseignement privé sont constitutionnelles, mais que cette dernière ne saurait aboutir à engendrer des inégalités; or l’article 2 de la loi votée le 14 décembre 1993 qui autorisait les collectivités territoriales à financer ce qu’elles veulent, n’offrait pas les garanties d’égalité voulues, et n’était donc pas constitutionnelle.

C’est une victoire finale pour les laïques.

20 septembre 1994 la circulaire BAYROU autorise le port des signes religieux « discrets » pour les élèves de l’enseignement public.

1996 Le gouvernement JUPPE modifie le code général des communes et départements permettant de «  garantir les emprunts contractés pour financer … les constructions… à caractère religieux »

DEUXIEME PARTIE : le craquement politique des années 90

La guerre des deux France.

Durant toute cette période que nous venons d’étudier, la question laïque était relativement simple: c’était « la guerre des deux France » dont la querelle portait essentiellement sur la question de l’école et du financement des écoles privées confessionnelles (à plus de 90% catholiques).

d’un côté il y avait à Gauche républicaine et laïque farouchement opposée à ce financement, (A l’école publique, Fonds publics à l’école privée fonds privés)

de l’autre il y avait à Droite cléricale bien au contraire attachée au financement des établissements privés sur fonds publics.

Trois observations :

1°) Cette dichotomie entre Droite et Gauche n’est pas totalement exacte: il existait à Droite quelques défenseurs de la Laïcité de l’école et à Gauche des partisans du financement des écoles privées.

2°) Avec près de 40 ans de recul il est aujourd’hui difficile d’aborder la question financière qui semble être entrée dans les moeurs.

Les établissements privés ont globalement plus de liberté et de financement que les établissements d’enseignement public ! Ils en profitent pour jouer un rôle de discrimination sociale. L’étude de Thomas PIKETTY sur la discrimination scolaire entre les établissements d’enseignement est éloquente … et les écoles privées y jouent un rôle prépondérant.

C’est peut être par là qu’il faudrait aujourd’hui aborder le problème.

Vivre ensemble, est un beau slogan, mais ne faudrait – il pas rappeler que pour nos enfants puissent vivre ensemble il leur faut apprendre ensemble, comme jouer ensemble, comme manger ensemble …

3°) En 2020, nous constatons que la question de la Laïcité ne concerne plus seulement l’école mais l’ensemble de la société.

Et que dans le monde politique il n’y a plus d’opposant à la Laïcité … au moins en parole. Tout le monde s’en réclame même ceux qui hier étaient ses opposants les plus féroces.

Leur combat, clair par le passé, les « pour » d’un côté, les « «  de l’autre Aujourd’hui le combat laïque est très différent quand tout le monde se dit laïque mais que chacun y met le contenu qui l’arrange.

Que s’est il passé pour que l’on constate ce craquement réellement « historique » ?

Dès 1985 au collège Pasteur de CRETEIL, des élèves avaient refusé d’enlever leur foulard en classe. La réaction unanime des enseignants et des parents élus avait réglé le problème en s’appuyant sur les circulaires de Jean ZAY. Un article est alors ajouté au règlement intérieur interdisant le port de signes religieux et la question est réglée.

1989 l’année du bicentenaire de la révolution constitue sans doute un moment important.

A compter de cette date, la laïcité qui, jusque là, avait à lutter contre la Droite politique et la Hiérarchie Catholique va se trouver face à de nouveaux adversaires : une partie de la Gauche essentialiste et communautariste et complice de l’Islamisme.

Il y eu un élément déclencheur:

1989 le 10 juillet, La loi d’orientation JOSPIN interprète la CIDE (convention internationale des droits de l’enfant) adoptée la même année.

La loi, dans son article 10, précise : « Dans les collèges, et les lycées, les élèves disposent dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d’information et de la liberté d’expression ».

Cet article contient en germe les problèmes à venir ceux des « signes religieux à l’école ». Avec ce texte là, les circulaires de Jean ZAY sont supprimées et écartées par la hiérarchie des normes.

Ainsi une bataille de 15 années va s’ouvrir et déboucher sur une loi contre les signes religieux à l’école.

Le fait religieux musulman avait déjà défrayé la chronique en 1982 au moment des grèves chez PSA alors que les ouvriers musulmans soutenus par la CGT réclamaient des poses aux heures de prière. Mais alors, c’est l’école publique qui est clairement visée.


En 1989, c’est au collège de CREIL que des incidents se produisent soit 4 ans plus tard, et 3 mois après le vote de la loi JOSPIN et l’abrogation corollaire des circulaires Jean ZAY,

Les premiers problèmes apparaissent quand des élèves de confession juive y sont systématiquement absents le samedi matin.

Puis trois collégiennes musulmanes mettent le pays en émoi.

Le 18 septembre 1989 Fatima et Leïla ACHAHBOUN et Samira SAIDANI élèves du collège Gabriel-Havez de Creil dans l’Oise (60% d’élèves musulmans et 25 nationalités), portent le foulard islamique, en classe.

Le principal du collège (Ernest CHENIERE qui fut un éphémère député RPR en 1993) estime dans une lettre aux parents que le voile est une marque religieuse incompatible avec le bon fonctionnement de son établissement scolaire.

Les professeurs ne peuvent plus l’accepter. « Il faut faire respecter la laïcité ». 

Les parents des filles portant le foulard les soutiennent. Elles sont menacées d’exclusion de l’établissement. 

Lionel JOSPIN, ministre de l’éducation de l’époque, déclare qu’il faut respecter « la laïcité de l’école qui doit être une école de tolérance, où l’on n’affiche pas, de façon spectaculaire ou ostentatoire, les signes de son appartenance religieuse. » Il précise aussi que « l’école est faite pour accueillir les enfants et pas pour les exclure »

Finalement, les trois élèves du collège Gabriel-Havez de Creil retourneront à l’école le lundi 9 octobre à la suite d’un premier accord entre les parents et le collège.

Le rôle de l’ Union des organisations islamiques en France (UOIF)

L’UOIF (devenue aujourd’hui MF – les Musulmans de France) politise alors l’affaire et en radicalisant les familles fait échouer cette solution de compromis et 10 jours plus tard, les trois jeunes musulmanes du Collège Havez de Creil rentrent de nouveau avec leur voile en classe et ne sont donc plus admises en cours.

Finalement un second compromis est trouvé : les élèves pourront mettre leur foulard dès la sortie des cours et le retirer avant d’y entrer. 

Entre temps le ministre de l’intérieur Pierre JOXE a convoqué l’ambassadeur du Maroc en France et l’intervention du roi HASSAN II fut déterminante pour régler la question.

Malgré tout, cette affaire est à l’origine d’une vague médiatique et politique qui fera beaucoup de dégâts.

La responsabilité du politique :

Dans cette affaire de CREIL, le ministre JOSPIN aurait pu exhumer les circulaires de Jean ZAY.

Au lieu de cela, mal conseillé par un certain Claude ALLEGRE, il a troqué l’autorité républicaine contre la gestion sociétale en se défaussant en consultant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat répondit naturellement que le foulard ne devait pas être proscrit en s’appuyant sur l’article 10 de loi d’orientation sur l’école, et il se défaussa à son tour sur les chefs d’établissement chargés d’évaluer au cas par cas l’éventuel prosélytisme. Le foulard n’ayant pas un caractère prosélyte reconnu par la loi, la situation restait dans la plus grande confusion.

RESULTAT : A la rentrée scolaire, les foulards islamiques poussent comme des champignons; en 1990 les Renseignements généraux dénombrent plus 400 situations problématiques et une centaine de jeunes filles environ sont exclues de collèges et de lycées publics. Dans la moitié des cas, ces expulsions sont annulées par les tribunaux.

Pendant ce temps là, les atteintes à la laïcité continuent, venant de la Droite comme de la Gauche… venant aussi des élèves dans els établissements scolaires ce qui est particulièrement nouveau.

2004  le rapport Jean Pierre OBIN inspecteur général de l’Education l’école publique dresse un constat accablant de la situation dans un certain nombre d’établissements scolaires.
Extraits : « des cas hallucinants d’élèves contestant l’enseignement de la Shoah, d’autres séchant les cours de natation pour ne pas savoir à montrer leur corps, quand elles ne refusent pas de serrer la main de leurs professeurs masculins ou de prendre la parole en classe car la voix des femmes est impure … »

Ces comportements liés au retour en force de l’intégrisme religieux dans la société méritent un coup d’arrêt.

Le monde politique va exploser

* Le Parti Socialiste alors au pouvoir est profondément divisé :

– d’un côté les défenseurs de la laïcité à l’école : Jean POPEREN, Robert BADINTER , Jean GLAVANY, soutenus par Gisèle HALIMI et Marie Pierre MENDES France.

-de l’autre les défenseurs des jeunes filles voilées: Jack LANG, Julien DRAY, Martine AUBRY, soutenus par Danielle MITTERRAND. Jean Louis BIANCO aujourd’hui président de l’ONL (Observatoire National de la Laïcité) reste discret mais se positionne plutôt sur cette ligne politique.

* Le Parti Communiste, secoué par la chute du mur de Berlin cherche à faire oublier sa maladresse des années passées en matière d’immigration (méthodes musclées utilisées à Montigny et Vitry) . Il approuve plutôt la position du gouvernement JOSPIN en particulier par la bouche de Marie George BUFFET.

* Les partis trotskistes eux aussi s’opposent entr’eux :

– les trotskistes de la LCR devenus depuis NPA sous la houlette de BESANCENOT, adoptant le vocabulaire des campus américains défendent ardemment le droit de porter le voile … jusqu’à présenter comme candidate une jeune femme voilée aux élections régionales . A travers un courant venu de grande Bretagne (Socialistes par le bas) ils se font les défenseurs de l’Islamo-gauchisme.

– Lutte Ouvrière d’Arlette LAGUILLER et Nathalie ARTHAUD, ne faisant aucune concession au cléricalisme, dénonce, avec fermeté, à la fois l’obscurantisme musulman et le voile comme signe de soumission des femmes.

* Du côté de la Droite politique l’évolution est stupéfiante: Jacques CHIRAC et le RPR s’opposent à la position défendue par Lionel JOSPIN et c’est à un changement politique fondamental que l’on assiste. La droite politique se met à défendre le principe de laïcité qu’elle rejetait jusqu’alors. A une nuance près : il ne s’agit surtout pas de viser les pratiques de l’Eglise catholique mais bien de combattre une religion nouvellement présente dans l’espace public: l’islam.

* L’exemple le plus significatif est celui d’Alain JUPPE lui qui en 1984 défilait fièrement sous la banderole « Nous voulons Dieu dans nos écoles » et qui l’on retrouve 15 ans plus tard à plaider sur la nécessité de respecter la laïcité dans notre école républicaine.

* Jean Marie LE PEN et Philippe DE VILLERS ne combattent nullement le port du voile et ils déclarent clairement le droit pour les élèves de d’afficher une identité. Il faudra attendre 2011 pour que le FN change radicalement de position, reprenant le mot de laïcité … qui ressemble fort dans ses discours et dans ses pratiques à un racisme anti-musulman.

Sur le terrain, la situation devient intenable, chaque proviseur est seul face aux différents refus d’enlever le voile et prend des décisions aux cas par cas.

L’égalité de tous devant la loi n’est plus respectée. Aussi le débat fait rage pour savoir s’il faut une loi.

La commission STASI :

Le président de la République Jacques CHIRAC décide de mettre sur pied une commission de réflexion sur « l’application du principe de laïcité dans la République ».

* Qui est Bernard STASI ?

un centriste, depuis disparu, médiateur de la République connu pour ses convictions républicaines (il est devenu français à sa majorité) et il militait pour une conception généreuse de l’intégration : « une chance pour la France ».

Il est la bête noire de Jean Marie LE PEN qui lui déniait le droit de faire de la politique en raison de ses origines immigrées et qui le surnomme « STASIBAOU ».

* Les autres membres de la Commission constituent la crème des juristes des philosophes des enseignants venus d’horizons très divers.

Ensemble, ils ont mené une série d’auditions de 140 personnes (partis politiques, instances religieuses, associations, société civile) diffusées sur la Chaîne Parlementaire.

* Le plus hostile à une loi est Bruno GOLLNISCH au nom du Front National défenseur de l’extrême droite cléricale hostile à la laïcité. Notons qu’aujourd’hui le RN de Marine LE PEN veut interdire les signes religieux (enfin … le voile islamique) y compris dans l’espace public … au nom d’une soi disant laïcité.

* Les enseignants, par leurs témoignages, ont marqué la Commission. En les écoutant, ses membres ont perçu le poids des tensions religieuses, le retour d’une forme de radicalisme agressif et ont compris la nécessité d’en protéger les enfants et les jeunes.

Au départ un seul membre Henri PENA RUIZ était partisan d’une loi.

* L’audition des élèves voilées et non voilées a été un véritable tournant du travail de la commission.

– Du côté des élèves voilées, la commission a entendu Saïda KADA militante des SŒURS MUSULMANES de Lyon fréquemment invitée sur les plateaux de télévision. A chaque question ou presque un militant homme venu l’accompagner répondait à sa place. Aussi son audition fit très mauvaise impression.

– Du côté des élèves non voilées, trois élèves de culture musulmane ne souhaitant pas porter le voile ont demandé à être entendue à l’abri des caméras par peur des représailles. Elles ont expliqué que si le voile devenait officiellement autorisé à l’école publique, elles n’auraient plus d’excuse pour refuser de le porter. C’était une sorte d’appel à l’aide.

* La position laïque étant de permettre de le porter en respect de la loi, mais aussi de ne pas le porter, la commission à l’unanimité moins une voix, celle de Jean BAUBEROT . Cet historien et sociologue français fondateur de la sociologie de la laïcité fut en 1981 conseiller du président MITTERRAND sur les questions de laïcité … avec le résultat que l’on sait.

Mais le fait de n’évoquer que le voile relèverait d’une présentation discriminatoire. La règle laïque elle, est universelle et doit concerner tous les «  signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ».

C’est cette formule qui fut retenue.

* La commission opta pour une loi afin de protéger les enfants et les jeunes dans les établissements publics d’Education dont la vocation est d’accueillir tous les enfants, qu’ils soient croyants ou non croyants et quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques … ou celles de leurs familles.

La loi du 15 mars 2004 précise que « l’État est le protecteur de l’exercice individuel et collectif de la liberté de conscience. La neutralité du service public est à cet égard un gage d’égalité et de respect de l’identité de chacun. » 

LE VOTE de la loi de 2004 a en grande partie réglé la question des signes religieux à l’école publique, mais le champ de bataille des intégristes s’est déplacé dans l’espace public avec le voile intégral ce que l’on appelle improprement la burka en fait le niquab.

En trente ans la visibilité de l’islam n’a fait que croître développant dans certains quartiers un séparatisme radical.

Le voile avec la charia et le halal constituent les éléments d’une construction de l’intégrisme musulman et lui servent de leviers politiques

Parallèlement le concept d’islamophobie a inondé l’espace médiatique et en même temps celui de laïcité a été en grande partie vidé de sa substance.

Et pendant ce temps là …  Les atteintes continuent :

Août 2004 loi de décentralisation l’article 89 oblige les communes à participer au financement de la scolarité des enfants résidant dans leur commune et scolarisés dans une école privée d’une autre commune. Les municipalités qui refusent sont frappées d’illégalité.

2004 Nicolas SARKOZY dans un livre « La République, les religions, l’espérance » s’interroge sur une possible modification de la loi de 1905 son objectif déclaré étant de libérer le culte musulman de l’influence des pays étrangers.

2006 L’ordonnance du 21 avril autorise la construction d’édifices du culte sur des terrains publics moyennant un loyer de 1 Euro par an et jusqu’à 99 ans ce qui est contraire à l’article 2 de la loi de 1905.

20 septembre 2006 : le rapport MACHELON est remis au ministre de l’intérieur qui préconise de multiplier les sources de financement public des cultes.

18 mars 2008 la « Fondation pour l’école » qui réunit des fonds pour les écoles privées hors contrat est reconnue d’utilité publique. La fondation est idéologiquement proches de groupes comme La Manif pour tous ou comme le réseau espérance banlieues.

18 décembre 2008 la France et le Vatican signent un accord reconnaissant les diplômes .de l’Enseignement Supérieur Catholique

Avril 2009 la France et le Vatican signent un accord de reconnaissance mutuelle des grades et des diplômes. Le conseil d’Etat restreint la portée de cet accord en le refusant aux Etablissements supérieurs privés le droit de délivrer des diplômes nationaux et en refusant de droit d’utiliser le titre d ‘Université.

2 juin 2009 Le président SARKOZY annonce la suppression des IUFM pour l’enseignement public, alors que les instituts de formation de maîtres du privé continuent à fonctionner.

la loi CARLE 28 octobre 2009 oblige les municipalités à payer le forfait scolaire aux écoles privées sous contrat d’association qui accueillent des enfants de leur commune.

10 février 2010 la fondation Saint Mathieu qui collecte des fonds pour la rénovation des écoles privées est reconnue d’utilité publique.

Loi de finances 2011 une rallonge de 250 postes d’enseignants au privé alors qu’ne 3 ans 51 000 postes ont été supprimés dans l’Education Nationale.

17 décembre 2003 annonce de l’installation de l’Observatoire de la Laïcité qui publie des guides et des avis sur la question laïque Historique. Le président Jacques Chirac annonce dans un discours sur la laïcité la création d’un futur « Observatoire de la laïcité » rattaché au Premier ministre… qui sera finalement créé par décret le 25 mars 2007.

12 septembre 2013 : Charte de la laïcité à l’École, apprentissage et actions éducatives publiée au B.O.

Elaborée en 15 articles et à l’intention des personnels, des élèves et de l’ensemble des membres de la communauté éducative, cette Charte explicite les sens et enjeux du principe de laïcité à l’École.

Elle réaffirme l’importance de ce principe indissociable des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité exprimées par la devise de la République française.

La laïcité doit être comprise comme une valeur positive d’émancipation. Dans les écoles, collèges et lycées publics, il est demandé d’afficher la Charte de façon visible et il est demandé aux parents d’élèves d’en prendre connaissance et de la signer..

26 février 2015 Un communiqué du bureau national Parti Socialiste appelle au « développement de l’enseignement privé confessionnel musulman”.

Devant la réaction des défenseurs de la laïcité le PS, forcé de s’expliquer plaide pour une “maladresse dans la formulation”.

TROISIEME PARTIE : et aujourd’hui en 2020 ?

Nous l’avons constaté la laïcité a toujours eu des adversaires acharnés.

Aujourd’hui ils ont parfois changé de visage ou de posture .

Mais ce sera l’objet d’une prochaine communication.