Les signes religieux

Atelier laïcité

Marc mondon 17 Janvier 2019

LA QUESTION DES SIGNES RELIGIEUX

Plan de l’intervention:
     1- Les signes religieux

     2- Dans la religion juive

     3- Dans la religion catholique

     4- Dans la religion musulmane

     5- A l’Ecole Publique

     6- Dans l’espace public

     7- Sur le lieu de travail

8- La réponse laïque

  1. LES SIGNES RELIGIEUX

De quoi s’agit-il ?

Ils peuvent être de différentes natures et être discrets ou ostensibles.

Ce sont :

– les slogans portées sur des teeshirts ou sur des badges,

– les emblèmes religieux : bijoux de types croix ou poignard Sikh …

– les vêtements et plus particulièrement les voiles ou foulards .

L’analyse portera essentiellement sur ce dernier aspect de la question car il concerne toutes les religions monothéistes, à cause des exigences imposées par leurs mouvements intégristes.

2- LES FONDEMENTS RELIGIEUX

On va retrouver dans le christianisme et le judaïsme des points de vue très proches en particulier sur les questions de la situation de la femme et de la domination masculine.

Cela n’est pas surprenant quand on sait que Jésus baignait dans le judaïsme lorsqu’il inaugura le Nouveau Testament, et que MAHOMET avait connaissance des textes chrétiens et judaïques quand il fonda l’islam.

Dans la religion juive les juifs orthodoxes sont très attachés à la distinction vestimentaire selon le sexe.

Les hommes (et les enfants) doivent être vêtus de noir de pied en cap (veste, pantalon, chapeau …) le port de la barbe et des « papillotes » étant imposé aux adultes.

Il est imposé aux femmes mariées de « dissimuler leur chevelure en portant soit un voile, soit une perruque ou en se rasant », alors que ce n’est pas prescrit par la Torah  .
Ce n’est là en effet, qu’une interprétation très libre de la Bible (Génèse XXIV 65) où l’on trouve une pratique évoquée pour REBECCA qui doit prendre un voile pour « se couvrir à l’approche d’un homme inconnu » .

Cela exprime surtout la volonté de ne pas confondre les femmes et les hommes à cause du vêtement. « Une femme ne doit pas porter le costume d’un homme, ni un homme s’habiller d’un vêtement de femme, car l’Eternel, ton Dieu, a en horreur quiconque agit ainsi. »

Mais ce n’est pas prescrit par la TORAH (enseignement divin transmis à Moïse par Dieu) qui est le texte fondateur de la religion juive .

AUJOURD’HUI EN ISRAËL, à Jérusalem, au Nord Ouest de la vieille ville, les Juifs orthodoxes sont regroupés dans le quartier de Méa Shéarim. Chaque famille y compte en moyenne entre 7 et 10 enfants. On y applique strictement le commandement religieux « croissez et multipliez » (Genèse 1:28, 9:1,7).

Pénétrer dans Méa Shéarim, donne l’impression que le temps s’est arrêté en 1874 ( date de naissance de ce quartier). Les exigences des orthodoxes ne concernent pas seulement les femmes de leur communauté.

Des écriteaux invitent l’ensemble des visiteurs à ne pas rentrer dans ce quartier vêtus de manière « indécente ». Les femmes qui ne portent pas de blouse fermée à longue manche ou qui portent le pantalon y sont régulièrement agressées à coups de projections d’encre, de crachats ou même de pierres.

Dans la religion catholique: Moïse personnage central pour les Juifs comme pour les Chrétiens, est beaucoup plus exigeant avec les femmes que Jésus … qui vécut 13 siècles après lui.

Jésus CHRIST ne condamne pas la femme prostituée quand celle-ci se montre impudique avec ses cheveux découverts.

A côté de cette anecdote, il existe dans les textes des disciples de nombreuses pages comportant des propos misogynes en particulier chez Paul et Pierre textes qui inspirent les catholiques intégristes.

Aujourd’hui, à PARIS à Saint Nicolas du Chardonnet ( paroisse dite LEFEBVRISTE ) l’église est occupée illégalement depuis le 27 février 1977 et ses occupants n’ont jamais été délogés malgré plusieurs arrêtés d’expulsion.

Les femmes doivent pour y écouter la messe en latin, se voiler au nom de Saint PAUL et de TERTULLIEN ( éminent théologien de Carthage ) : « Toute femme qui prie ou prophétise le chef découvert fait affront à son chef, c’est exactement comme si elle était tondue. Si donc une femme ne met pas de voile, alors qu’elle se coupe les cheveux ! Mais si c’est une honte pour une femme d’être tondue ou rasée, qu’elle mette un voile. » (1er Epitre au Corinthiens.

Le texte est précis: l’exigence ne concerne que les femmes quand elle prient ou prophétisent. C’est le point de vue de PAUL de TARSE (Saint PAUL) considéré comme l’architecte du christianisme et personnage particulièrement misogyne qui précise dans le même Epitre : «  L’homme ne doit pas se couvrir la tête parce qu’il est l’image et la gloire de Dieu. Quant à la femme elle la gloire de l’Homme. … Voilà pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion … »

Dans l’ÉPITRE À TIMOTHÉE Paul précise que « Pendant l’instruction, la femme doit garder le silence, en toute soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de faire la loi à l’homme. Qu’elle garde le silence. C’est ADAM en effet qui fut formé le premier. Eve ensuite. »

Sujétion, soumission … les textes de Saint PAUL sont très clairs. Et comme ils sont appliqués avec zèle par les catholiques intégristes, ces deux comportements nous permettent d’apprécier l’importance cruciale et la signification qu’ils revêtent à leurs yeux …

dans la religion musulmane : La plupart des femmes qui portent le voile, le portent volontairement. « C’est pour moi, c’est mon choix, c’est pour Dieu, c’est par pudeur » peut-on entendre. C’est respectable.

Mais qu’en est-il dans le CORAN ?

Il existe pour les musulmans deux textes de référence:

– d’une part le CORAN qui regroupe les paroles de Dieu, faites par l’archange Gabriel à Mahomet, à partir de 610–612 jusqu’à sa mort en 632. Tel qu’il se présente aujourd’hui, le Coran est un volume de dimension relativement modeste. Il est composé de 114 unités, textes plus ou moins longs, que l’on appelle les « sourates ». Mahomet étant illettré, ce sont des transcriptions de ses paroles.

– d’autre part ce que l’on appelle le HADITH, ensemble de « dits » attribués à Mahomet et d’informations transmises à son propos par les premiers califes qui lui ont succédé à la tête des musulmans. Ces « dits » sont regroupés dans un grand nombre d’ouvrages qui comportent des chapitres particuliers intitulés « Explication du Coran ».

Cette transmission humaine, permet les interprétations aussi les historiens qui analysent ces textes ne doivent pas forcément prendre ces « explications » pour argent comptant.

Même si on peut dire que « le Coran, c’est la parole de Dieu, alors que le Hadith est le livre des hommes », l’exégèse coranique reste un vaste problème.

Des spécialistes des religions estiment même que dans le CORAN proprement dit rien n’oblige de porter un voile pour être une bonne musulmane. (Lire LEILA BABES et TARIQ OBROU : «  Loi d’Allah, loi des Hommes » Albin Michel 2002)

Il n’y serait question que de deux choses :

tendre un voile dans une pièce pour éviter aux femmes du Prophète d’être vues par ses ennemis,

rabattre un châle sur leur poitrine pour sortir faire leurs besoins la nuit.

Ce sont les intégristes musulmans qui ont modifié ces consignes pour exiger la couverture des cheveux … pour ne pas ressembler aux Occidentales et en signe de soumission à leur idéologie.

Ce sont les Frères Musulmans qui ont demandé au Colonel NASSER d’imposer le voile en Egypte… en même temps qu’ils préconisaient de « fermer les dancings, les lieux dits libertins, la mixité dans les campus ainsi que tout contact gestuel entre homme et femme comme la danse … »

C’est le théologien des Frères Musulmans, Youssef Al Quaradawi qui précise : « Ce vêtement ne doit pas ressembler à ce que portent les mécréantes, les juives, les chrétiennes et les idôlatres. »

Ces théories seront reprises en Algérie par le FIS et le GIA qui tuèrent pendant les 10 années noires des milliers (estimation: entre 60 000 et 150 000) d’artistes d’intellectuels et de récalcitrants pendant les années noires, avant d’exporter leurs exigences, leurs pratiques et leur terrorisme en Europe.

Entre le 5 janvier et le 28 février 1994, treize femmes ont été assassinées par les islamistes, leur crime étant de ne pas porter le voile islamique. Une des plus connue, Katia Bengana, 17 ans, sortant du lycée à Meftah y a été assassinée pour avoir refusé de le porter et avoir tenu tête à des groupes islamistes. Son meurtre devait servir d’exemple, être un avertissement à toutes les femmes d’Algérie … et d’ailleurs, pour leur faire prendre conscience du sort qui les attendait si elles refusaient d’obéir à l’intégrisme islamique.

Le terrorisme islamique se développe ensuite en France. Le premier djihadiste fut Khaled KELHKAL, en 1995, organisateur des attentats dans le métro parisien. Ce brillant élève d’un lycée lyonnais réputé, (Lamartinière) subit l’influence d’un frère aîné, Nourredine, se détourne alors de ses études et tombe dans la délinquance puis se radicalise après un passage en prison et de fréquents voyages en Algérie … avant d’être abattu à Vaugneray.

La « mode » très politique du voile islamique s’est développée alors dans notre pays, où le port du voile s’est longtemps limité au fichu traditionnel … jusqu’à la révolution iranienne et à la guerre civile en Algérie.

En Arabie Saoudite comme en Iran, le port du voile islamique est obligatoire souvent au risque de sa liberté ou même de sa vie.

En Iran, des femmes musulmanes enlèvent leur voile en public, phénomène qui prend de l’ampleur. Le 29 janvier 2018 à Téhéran, Narges Hosseini a ôté son foulard sur la place publique en guise de protestation contre la loi qui oblige au port du voile.

Le 31 janvier, à Machhad, une femme en tchador a mené la même action. Puis d’autres ont suivi dans plusieurs villes.

C’est un geste qui va au-delà de la provocation: ces femmes manifestent publiquement et risquent la prison dans un pays où depuis l’instauration de la République islamique en 1979, elles sont tenues de se couvrir tout le corps, sauf le visage et les mains.

Il s’agit bien d’une résistance civique que l’on pourrait comparer au mouvement pour les droits civiques de Martin Luther King aux Etats-Unis.

La justification sociale, donnée par les autorités religieuses c’est que les femmes doivent cacher leur corps pour que les hommes n’aient pas à résister à la tentation. A travers le symbole du voile, ce qui est important, c’est l’absence d’égalité femme-homme.

Mais il est toujours très difficile de soutenir ces femmes qui luttent car les autorités en profitent pour les accuser d’être manipulées depuis l’étranger par les mécréants, et cela les fragilise.

3-LES SIGNES RELIGIEUX A L ‘ÉCOLE PUBLIQUE

Les circulaires de Jean Zay

Jean Zay, figure du progressisme éducatif, fut le ministre de l’Education nationale du Front Populaire assassiné par la Milice de Pétain en1944 .
Pour lui
les établissements scolaires devaient rester « l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ».

Ainsi la première interdiction des signes religieux et politiques à l’école publique, au nom de la protection de l’enfance, fut bien l’œuvre du Front Populaire.

Les circulaires e Jean ZAY en juillet et décembre 1936, mai 1937, s’inscrivent dans un contexte particulier : les années 1936-37.

En 1934, le spectre des ligues fascistes et réactionnaires fait trembler la République; c’est une époque de grande violence politique qui se trouve évidemment projetée dans les établissements scolaires. On y dessine à la craie des croix gammées ou des faucilles et des marteaux sur les murs; les bagarres entre jeunes des deux bords sont récurrentes et même les professeurs et chefs d’établissements ne se gênent souvent pas pour faire de la propagande active, aussi bien brune que rouge.

Voilà qui justifie les circulaires Jean Zay. « L’ordre et la paix doivent être maintenus à l’intérieur des établissements scolaires ». Jean Zay voulait contrer l’influence de groupes politiques anti-républicains, dont certains usaient abondamment des symboles religieux chrétiens.

La première circulaire parle ainsi des insignes : « tout objet dont le port constitue une manifestation susceptible de provoquer une manifestation en sens contraire.

La deuxième circulaire détaille les raisons qui poussent le ministère à agir : l’inexpérience des mineurs les rendrait particulièrement vulnérables à la propagande. On y parle de « tract », de « recruteurs » et de « propagandistes » politiques, de « programme d’un parti » et « d’enrôlement ».

La troisième circulaire a pour sujet la religion. Elle vise précisément la « propagande confessionnelle ». Le passage central précise « L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. »

Pour Jean ZAY, il est clair que les signes et les tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse peuvent être interprétés comme l’indice d’une forme de militantisme et doivent être proscrits du champ de l’école .

Ces circulaires vont s’appliquer jusqu’en 1989.

La loi JOSPIN

L’esprit de la loi d’orientation de l’éducation nationale française (loi Jospin) de 1989 peut se résumer par la formule « placer l’élève au centre du système éducatif » .

Son article 10, stipule que la liberté des élèves est la même dans l’enceinte scolaire que celle des enfants à l’intérieur .

Cela découle de la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée la même année. L’enfant soumis devient alors officiellement un enfant citoyen désormais titulaire de droits civils, sociaux et culturels, mais aussi bénéficiant des libertés publiques

Les circulaires de Jean Zay seront donc abolies par la jurisprudence de cette loi et les intégristes ne vont pas manquer de s’engouffrer dans la brèche.

L’affaire de CREIL

Le 18 septembre 1989  trois élèves musulmanes du collège Gabriel-Havez de Creil dans l’Oise (60% d’élèves musulmans et 25 nationalités) Fatima (13 ans) Leïla (14 ans) et Samira, portent le foulard islamique, en classe.

Le principal du collège estime dans une lettre aux parents que le voile est une marque religieuse incompatible avec le bon fonctionnement de son établissement scolaire. Il précise qu’il a dû intervenir car dans ce même établissement, « une vingtaine de jeunes israélites ne viennent pas le samedi matin, ni le vendredi soir pendant l’hiver.

Les professeurs ne peuvent plus l’accepter. Il faut faire respecter la laïcité. » 

Les parents des filles portant le foulard ne veulent pas désarmer. Elles sont menacées d’exclusion de l’établissement. 

Lionel JOSPIN, ministre de l’éducation de l’époque, déclare qu’il faut respecter « la laïcité de l’école qui doit être une école de tolérance, où l’on n’affiche pas, de façon spectaculaire ou ostentatoire, les signes de son appartenance religieuse. » Il précise aussi que « l’école est faite pour accueillir les enfants et pas pour les exclure »

Finalement, les trois élèves du collège Gabriel-Havez de Creil retourneront à l’école le lundi 9 octobre à la suite d’un accord entre les parents et le collège. Elles pourront mettre leur foulard dès la sortie des cours et le retirer avant d’y entrer. 

Mais cette affaire est à l’origine d’une vague médiatique et politique qui fera beaucoup de dégâts.

L’UOIF politise l’affaire et en radicalisant les familles fait échouer cette solution de compromis et 10 jours plus tard, les trois jeunes musulmanes du Collège Havez de Creil rentrent de nouveau avec leur voile en classe et ne sont donc plus admises en cours.

En novembre 1989, le Conseil d’Etat est saisi et il renvoie le politique à ses responsabilités. Lionel JOSPIN se décharge sur les Chefs d’Etablissement: ce sera à eux de décider au cas par cas.

RESULTAT : de 1994 à 2003, une centaine de jeunes filles environ sont exclues de collèges et de lycées publics pour port de voile islamique. Dans la moitié des cas, ces expulsions sont annulées par les tribunaux.

La situation devient intenable, chaque proviseur est seul face aux différents refus d’enlever le voile et prend des décisions aux cas par cas. L’égalité de tous devant la loi n’est plus respectée.

La commission STASI

2003 le Président CHIRAC décide de mettre sur pied une commission de réflexion sur «  l’application du principe de laïcité dans la République ».

Sa présidence est alors confiée à un ancien ministre Bernard STASI devenu français à sa majorité et partisan de l’intégration dans la République.

On y retrouve des juristes, des philosophes, des enseignants de tous bords républicains à la conception variée de la laïcité.

Ils mènent un série d’auditions retransmises sur la Chaîne Parlementaire . (140 personnes représentant la société civile, les partis politiques et les instances religieuses du pays).

Jacqueline COSTA LASCOUX ex présidente de la Ligue de l’Enseignement qui fit partie de la Commission raconte d’une manière éclairante l’audition des responsables de la religion boudhiste. (conférence à Roanne décembre 2018)

Ceux ci firent l’éloge de la laïcité qui leur permettait dans notre pays de construire librement leurs pagodes, de pratiquer en toute sécurité leur culte, d’avoir accès gratuitement aux médias d’Etat. Ils précisèrent même que les difficultés qu’ils rencontraient venaient de leurs intégristes … dont ils ne sont pas exempts.

Les membres de la Commission sont tous au départ plutôt défavorables à une loi, à l’exception d’Henri PENA RUIZ qui d’entrée s’en déclara partisan. Mais ils seront très vite impressionnés lors de l’audition de jeunes filles voilées et non voilées.

Du côté des jeunes filles voilées, ils auditionnent Saïda KADA militante très en pointe et habituée aux plateaux télé. Elle a été formée par les Sœurs Musulmanesde LYON (branche féminine des Frères). Son passage fit très mauvaise impression; à chaque question ou presque un militant homme venu l’accompagner répondait à sa place.

Du côté des jeunes filles sans voile trois élèves de culture musulmane auditionnées à l’abri des caméras de peur des représailles, ont expliqué que si le voile devenait autorisé à l’école elles n’auraient plus d’excuse pour ne pas le porter : ce fut un appel à l’aide qui impressionna. (point de vue rapporté par Jean Louis BIANCO).

Parmi les personnalités entendues, le plus hostile à la loi est Bruno GOLLNISH au nom du Front National.

Ce qui n’empêcha pas quelques années plus tard Florian PHILIPPOT de préciser (communiqués de presse du parti datant de mars et décembre 2014) qu’il envisageait l’interdiction des signes religieux ostensibles non plus dans les seules écoles publiques mais … dans tout l’espace public .

La commission à l’unanimité moins une voix a choisi de réaffirmer le caractère laïque de l’école publique, en interdisant le port signes ostensibles pour les élèves.

Le seul à s’y opposer fut donc Jean BAUBEROT sociologue et historien français très proche d’Edwy PLENEL et de la Gauche différentialiste, l’inventeur de la laïcité dite « ouverte » … celui là même qui, dans les années 1980, conseilla (avec le résultat que l’on sait !) François MITTERRAND sur les questions de laïcité .

Dans un esprit typiquement républicain, la commission STASI proposa d’autres mesures qui ne furent pas retenues par le gouvernement : reconnaître les fêtes du Kippour et de l’Aïd comme jours fériés, prévoir une offre variée dans les cantines, recruter de aumôniers musulmans dans les prisons …

LES REACTIONS A LA LOI :

La loi du 15 mars 2004 interdit donc pour les maîtres et élèves le port de tout signe religieux « ostensible », ce qui inclut le voile islamique mais aussi la kippa, et le port de grandes croix.

La loi permet le port de symboles discrets de sa foi, tels que petites croix, médailles religieuses, étoiles de David, ou mains de Fatma – bien que cette main puisse être portée indépendamment de la religion, n’est pas de source musulmane.

A son propos on a tout entendu : islamophobe, raciste, coloniale, pétainiste, loi d’exception.

Esther BENABASSA universitaire sénatrice EELV a déclaré « avec cette loi la France faisait aux musulmans ce qu’elle avait fait aux juifs ».

C’est tout le contraire. Il s’agit d’une loi d’égalité. Elle est l’enfant de Jules FERRY le laïque (pas le colonisateur), de CLEMENCEAU l’anticolonialiste et de Ferdinand BUISSON l’anti raciste, mais aussi de CONDORCET l’anti esclavagiste.

La colonisation ? Elle n’a jamais voulu interdire les signes religieux, bien au contraire. Cela établissait une frontière entre colonisateurs et colonisés, les affiches de l’école coloniale adorait montrer les femmes musulmanes voilées … pour leur exotisme.

Elle vise tous les signes religieux ostensibles à l’école publique et pas seulement le voile. Notons que les crucifix ont été retirés des murs des écoles après 1905 et que la kippa n’y eut jamais sa place.

La loi de mars 2004 s’inscrit fidèlement dans l’histoire de l’école laïque française qui est de défendre les élèves contre les superstitions et les préjugés. C’est une loi de protection de l’enfance et de la jeunesse.

Quelques années plus tard, même ses détracteurs reconnaissent qu’elle a eu une efficacité certaine.

L’ACCOMPAGNEMENT DES SORTIES SCOLAIRES

Reste posée la question des parents et accompagnateurs des sorties scolaires.

Que dit la législation actuelle ?

La loi du 15 mars 2004 ne concerne pas les parents d’élèves.

Alors sont-ils concernés par l’obligation de neutralité des fonctionnaires parce que « collaborateurs » du service public d’éducation ?

Pour le Conseil d’État ( 19 décembre 2013) la notion de « collaborateur » n’a pas d’existence légale. « Entre l’agent et l’usager, la loi et la jurisprudence n’ont pas identifié de troisième catégorie de « collaborateur » ou de « participant » qui serait soumise en tant que telle à l’exigence de neutralité religieuse ».

Est-il néanmoins possible, dans certaines conditions, de demander à des parents d’élèves de s’abstenir de montrer leur appartenance religieuse lors d’une sortie scolaire ?

La réponse est oui, et là encore le Conseil d’État dit le droit dans la même étude : « Les exigences liées au bon fonctionnement du service public d’éducation peuvent conduire l’autorité compétente s’agissant des parents d’élèves qui participent à des déplacements ou à des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ».

Il est donc possible de demander à des parents de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses.

On peut même décider de ne pas les associer à l’encadrement d’une sortie mais à certaines conditions :

– si leur seule présence est la cause d’un trouble à l’ordre public ;

– si leur participation à la sortie ou l’activité scolaire est utilisée comme moyen de pression sur les enfants et sur l’équipe éducative à des fins de prosélytisme ;

-si leur action de volontariat pour participer à l’encadrement d’une sortie scolaire s’accompagne d’une demande de modification du contenu de la sortie, ou s’ils s’abstiennent de participer à une partie de la sortie parce que cela contreviendrait à leurs convictions religieuses.

Le contenu de la sortie, comme celui des programmes scolaires, ne se négocie pas.

Leur application relève de la responsabilité du chef d’établissement.

Mais en dehors de ces situations les parents d’élèves sont considérés comme des citoyens et ont donc le droit par exemple de participer aux réunions du Conseil d’école … dans la tenue qui leur convient.

4-DANS L’ESPACE PUBLIC :

Dans l’Etat de droit français, caractérisé par un principe de liberté, on n’interdit pas tout ce que l’on désapprouve.

La loi de 1905 autorise à exprimer ses opinions (même religieuses) dans l’espace public aux seules conditions de respect des lois républicaines et de l’ordre public.

L’espace public pris au sens de l’espace commun à tous (par exemple la voie publique, les jardins publics, les plages, etc.), le port de signes religieux (comme de tout autre signe « convictionnel ») y est parfaitement libre.

Ainsi le burkini, sorte de maillot de bain qui couvre le corps mais laisse le visage découvert ne peut pas être interdit sur les plages publiques. Par contre dans les piscines, il peut poser problème comme le short maillot de bain … non pas au nom de la laïcité mais pour des raisons d’hygiène.

Par contre et pour des raisons de sécurité, d’ordre public, et conformément aux exigences minimales de la vie en société, la dissimulation du visage est absolument interdite dans l’espace public (voile niqab, cagoule, masque, casque intégral) . (loi de 2010).

5-SUR LE LIEU DE TRAVAIL:

Le Conseil d’Etat en 1972 a confirmé la NEUTRALITE des fonctionnaires et assimilés, et l’a étendu à l’ensemble des services publics.

Qu’en est-il pour les structures de droit privé comme les associations ?

L’exemple de la crèche Baby Loup nous servira d’exemple.

BABY LOUP

BABY LOUP était une crèche associative crée en 1991 ouverte 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 à Chanteloup les vignes (Yvelines). Fondée par Natalia BALEATO réfugiée chilienne et un collectif de femmes, elle accueillait des enfants de mères isolées dont beaucoup sont issues de l’immigration et qui travaillaient en horaires décalés.

Baby Loup favorisait l’intégration sociale et professionnelle de femmes isolées et en difficulté.

A sa façon Baby Loup oeuvrait pour le vivre ensemble dans un quartier qui n’était trop souvent qu’une juxtaposition de communautés. On en a recensé 52 !

Les faits : Mme Fatima AFIF est depuis 1992 employée comme éducatrice de jeunes enfants puis comme directrice adjointe.

A la suite d’un long congé parental (2003 à 2008) elle reprend son travail en portant un voile islamique intégral qu’elle refuse de quitter .

Licenciée pour faute grave (non respect du règlement intérieur qui impose le principe de laïcité et de neutralité à son personnel) la salariée a engagé un long processus judiciaire … recours à la HALDE, Prudhommes, cour d’appel, cour de cassation.

Le licenciement a d’abord été jugé discriminatoire, puis après de multiples rebondissements, le 25 juin 2014 l’ARRET de l’Assemblée Plénière de la Cour de CASSATION l’ a validé et marqué ainsi la fin des recours devant les juridictions françaises.

Mais à la suite de l’élection d’une nouvelle équipe municipale, et sous la pression des intégristes qui ont présenté des exigences nouvelles vis à vis de la religion, la crèche a dû fermer ses portes le 31 décembre 2013 et déménager à 7 km de là, à Conflans Ste Honorine.  

Alors que dit cet arrêt ?

En substance, il précise que le code du travail autorise une entreprise privée ou une association à restreindre, dans son règlement intérieur, la liberté d’un salarié à manifester ses convictions religieuses quand « la mesure est proportionnée au but recherché» et quand « c’est justifié par la nature des tâches à accomplir » .

Pour Baby Loup semble-t-il c’était bien le cas ce puisque le personnel était « en contact direct avec les enfants et les parents » .

Mais la Cour a précisé que « le principe de laïcité entendu au sens de l’article 1 de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. »

Il faut donc bien différencier la mission de service public et la mission d’intérêt général car si dans le premier cas l’exigence de neutralité, pour les agents est totale, dans le second elle est plus aléatoire.

à La MISSION de SERVICE PUBLIC est gérée par l’Etat ou une collectivité locale ou sous son contrôle étroit.
à La MISSION d’INTERET GENERAL qui n’a pas de valeur constitutionnelle est une notion plutôt mal définie. Elle recouvre les mêmes activités que la mission de service public mais dans son cas la puissance publique ne l’exerce ni directement ni par délégation.
Une même activité peut être de service public ici et d’intérêt général là.

LE POINT DE VUE DU PRESIDENT HOLLANDE

Interrogé à propos de l’affaire Baby Loup, le 28 mars 2013 au journal de France 2, le Président de la République d’alors précise sa pensée : « Dès lors qu’il y a contact avec des enfants dans une crèche associative ayant des financements publics, il doit y avoir une certaine similitude par rapport à ce qui existe dans l’école … Là où il y a mission d’intérêt général, il doit y avoir une règle…Je pense que la loi doit intervenir. »

En effet seule une loi peut ajuster le principe qui découle de la loi de 1905 et de la déclaration des Droits de l’Homme qui fait que nul ne peut être lésé dans son emploi en raison de ses origines, de ses opinions, de ses croyances.

C’était sans compter sans le lobbying de la hiérarchie catholique qui s’opposa à une telle avancée. Il faudra donc attendre quatre années pour connaître une clarification avec la loi El KHOMRI modifiant le code du travail.

LA LOI EL KHOMRI

La loi travail dite EL KHOMRI, confirmée par les arrêts de la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) et de la Cour de Cassation du 22 novembre 2017 précise les possibilités pour un employeur de restreindre la « manifestation des convictions des salariés » dans l’entreprise.

A quelles conditions ?

Si le principe de neutralité est explicitement inscrit dans le règlement intérieur. Mais cela ne concerne que le personnel en contact avec le public.

Mais également…

Si c’est applicable à toutes les opinions,

Si cela pose des problèmes pour l’hygiène, la sécurité, si cela entrave la liberté d’autrui ou entraîne une inaptitude au travail, si cela perturbe la mission de l’entreprise ou nuit à ses intérêts.

dans tous les cas, il ne peut pas y avoir pas d’interdiction générale et absolue.

D’autre part, aucun salarié ne peut invoquer des motifs religieux pour ne pas accomplir son travail.

ET DANS LES FORMATIONS DISPENSEES PAR LES STRUCTURES D’EDUCATION POPULAIRE ?

On peut considérer que ces sessions de formation relèvent d’une mission d’intérêt général et que les stagiaires doivent y être considérés comme des citoyens. Ceux ci peuvent donc y utiliser tous leurs droits dans le respect des lois républicaines et de l’ordre public. Les formateurs eux, ont par contre un devoir absolu de réserve en application du projet éducatif ou du règlement intérieur..

6-QUELLE REPONSE LAIQUE ?

Quelques éléments utiles à notre réflexion avant de conclure:

– Il faut rappeler que sous la pression de l’UOIF et des Frères Musulmans dont on connaît le penchant intégriste, la Convention Citoyenne des Musulmans de France pour le vivre ensemble » du CFCM en date de juin 2014 précise dans son article 3 : « Le voile est une prescription » qu’il faut « arborer pour la réserve qu’il impose ».

– il n’y a pas qu’un voile, mais il y a des voiles, et il y a le foulard. Rien de comparable entre le voile noir intégral d’une salafiste qui refuse de serrer la main un homme … et le voile coutumier d’une retraitée marocaine … en passant par le foulard coloré et discret d‘une étudiante.

Mais ces tenues, qui sont naturellement autorisées en France dans l’espace public, ne cessent de se multiplier et Elizabeth BADINTER estime même que « les laïques ont perdu la bataille du voile ».

– c’est aussi un marqueur de revendication identitaire , une façon de refuser les rapports de séduction, de mettre à distance les hommes dans l’espace public, de protester contre la liberté des mœurs des sociétés occidentales…

– le voile symbolise-t-il la liberté de la femme, son épanouissement ou bien est-il le signe d’un enfermement et de la domination patriarcale ?

Dans certains quartiers les contraintes communautaires font que les femmes non voilées subissent exclusion, insultes, menaces, agressions de la part des intégristes. A Aubervilliers dans un département où les intégristes sont particulièrement puissants, des femmes musulmanes courageuses ont créé un collectif « LES FEMMES SANS VOILE », au nom de la liberté, de l’égalité et de la dignité. Elles demandent l’interdiction du voile pour les jeunes filles mineures. Aussi elles sont menacées et traitées d’islamophobes.

Aujourd’hui, le port du voile n’est exigé que dans les pays les plus conservateurs comme l’Iran, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, l’Afghanistan …

Il est le premier acte d’autorité des DJIHADISTES dans les territoires conquis (Irak, Syrie, Mali, Nigéria…) pour les femmes musulmanes … ou non ! C’est pour eux une sorte d’étendard.

La position laïque consiste donc à défendre le droit des femmes à le porter … comme celui de ne pas le porter quand elles le souhaitent, à en protéger les mineures dans les écoles de la République dont il faut, en toutes circonstances, respecter les lois .

d’appartenance religieuse, sont susceptibles de susciter des réactions d’hostilité ou de défiance11. Interdire tout