Croire ou savoir

CERCLE

CONDORCET

STEPHANOIS

CROIRE ou SAVOIR ?

Marc MONDON

Des travaux de chercheurs, dans lesquels nous avons trouvé informations et arguments, nous ont permis la rédaction de ce document. Il s’agit de :

Guillaume LECOINTRE Professeur au Muséum national d’histoire naturelle. (Savoirs, opinions croyances)

Cyrille BAUDOUIN ingénieur physicien et Olivier BRUSSEAU docteur en biologie (Les créationnistes)

André LANGANEY directeur du laboratoire d’Anthropologie biologique du Musée de l’Homme  (La plus belle histoire de l’Homme) avec Dominique SIMONNET journaliste, Jean CLOTTES et Jean GUILAINE archéologues.

Faouzia CHARFI Universitaire, physicienne et femme politique tunisienne. (La science voilée et Les querelles de l’Histoire : France, monde et sciences numéro hors série du »Monde »)

Barbara STIEGLER Philosophe université Bordeaux Montaigne . (Il faut s’adapter – Sur un nouvel impératif politique)

Jean Paul COLIN . Cercle Condorcet de Besançon : « Croyance et Savoir »

Guy LENGAGNE rapport de la Commission Culture Sciences et Education Juin 2007 du Conseil de l’Europe : « Les dangers du créationnisme dans l’Education »

Comité National d’Action Laïque : colloque du 13 juin 2018 LA LAÏCITÉ À L’ÉCOLE, LES ENSEIGNANTS ONT LA PAROLE »

Jean Pierre OBIN rapport au ministre sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires – 2004 –

Plan de l’intervention :

  1. Introduction
  2. Un débat qui ne date pas d’hier.
  3. La contestation dans l’Ecole.
  4. Comprendre le phénomène.
  5. Une tension de toujours entre science et religion.
  6. Créationnisme ou Evolutionnisme ?
  7. Les trois grandes « croisades créationnistes » des Evangéliques aux USA .
  8. Après les USA … L’Europe.
  9. Après les Evangéliques … les autres intégrismes.
  10. Du côté des philosophes.

Avant de commencer, rappelons un dialogue célèbre en 1796 entre Pierre Simon de LAPLACE mathématicien, astronome et physicien et NAPOLEON BONAPARTE :

Le savant avance l’hypothèse de la naissance simultanée du soleil et des planètes à partir d’un nuage de gaz et de poussières.

BONAPARTE : « votre travail est remarquable mais il n’y a pas de trace de Dieu dans votre ouvrage »

LAPLACE : « Sire, je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse. »

  1. INTRODUCTION :

Notre thème de réflexion est ce soir CROIRE ou SAVOIR ?
Voici quelques éléments tirés des travaux de Guillaume LECOINTRE et de Jean Paul COLIN à propos de ce couple de mots et de concepts.

* Pour Guillaume LECOINTRE, ce que l’on sait n’est pas ce que l’on croit, la connaissance n’est pas la croyance.

Alors quelles différences entre CROYANCES et SAVOIRS ?

Les SAVOIRS se distinguent des CROYANCES ( même religieuses ) et des opinions selon au moins deux critères :

– d’abord par la justification de ce qui est affirmé,

– ensuite en sachant si ce qui est dit est validé collectivement ou s’il ne vaut qu’individuellement.

Un SAVOIR se justifie rationnellement, il doit sa légitimité au fait qu’il a résisté à de multiples tentatives de déstabilisation ; c’est particulièrement vrai pour les savoirs scientifiques qui sont régulièrement remis à l’épreuve.

Le SAVOIR est facteur d’émancipation : la science s’appuie sur des arguments que l’on peut confirmer (ou réfuter) en les confrontant à l’expérience. Et c’est de là que réside sa force.

La CROYANCE est protégée par la déclaration des Droits de l’Homme et par la loi de 1905 qui assurent à tout citoyen la liberté de conscience : le droit de CROIRE, de ne PAS CROIRE, d’être indifférent et d’abandonner ou de changer sa croyance. 

La Croyance repose sur une relation de confiance, voire d’autorité et peut se dispenser de se justifier rationnellement.

C’est écrit dans les textes sacrés, on ne discute pas, on croit un point c’est tout.

Elle s’assume à titre individuel, à l’exception de la croyance religieuse qui est assumée à titre collectif (dans religion il y a « religere » qui signifier « relier ») et qui est légitime aux yeux de ceux qui y adhèrent.

Questionner cette légitimité c’est prendre le risque de mettre en cause le groupe, d’où le dogmatisme et la confusion classique chez les religieux entre la remise en cause des idées et la remise en cause des personnes.

Savoirs et Croyances ne peuvent pas être mis sur le même plan.

On peut croire sans refuser le savoir et vice versa. L’articulation entre les deux est une affaire personnelle.

* Pour Jean Paul COLIN la frontière entre savoir et croire peut aussi parfois ne pas être aussi étanche qu’il y paraît.

«  Si je crois qu’une chose est vraie, alors de manière concrète je sais que c’est vrai, et je ne vivrai pas cette certitude comme aléatoire . C’est la « mauvaise foi » de Sartre : il nous arrive de croire à notre insu, alors même que nous sommes persuadés de savoir. »

Voilà une question qui divise depuis des siècles nos sociétés.

  1. UN DEBAT QUI NE DATE PAS D’HIER

Dans l’ordre chronologique :

D’abord COPERNIC (1473-1543)  astronome polonais célèbre pour avoir développé et défendu la théorie de l’héliocentrisme selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil , qu’il considère comme le centre de l’Univers, ce qui s’oppose à l’opinion alors admise par l’Eglise, que la Terre était centrale et immobile.

Ses travaux ne seront publiés qu’après sa mort.

 

Ensuite Giordano BRUNO, (1558-1600) philosophe d’une rare audace reprend les thèses de Copernic considérées comme une abomination par l’église catholique.

Refusant d’abjurer, il est brûlé vif après avoir eu la langue clouée au palais pour l’empêcher de parler à la foule !

Enfin GALILEE (1564 1642) lui aussi astronome avait étudié le mouvement des satellites de Jupiter avec sa lunette astronomique et avait observé que la Terre tournait sur elle même et autour du soleil, confirmant le modèle proposé par COPERNIC quelques années plus tôt.

Chacun connaît la célèbre formule : « Et pourtant elle tourne » qui aurait été prononcée par GALILEE à la sortie du tribunal de l’Inquisition où il était jugé pour hérésie.

Elle pourrait bien n’être qu’une légende forgée a posteriori. Pour entrer dans l’histoire, il est utile d’avoir laissé une petite phrase derrière soi !

3 LA CONTESTATION dans L’ECOLE

Un constat : Alors que les progrès des sciences (la génétique, le carbone 14 ..) mettent chaque jour un peu plus en cause le contenu des textes religieux, les discours qui touchent les origines (de la vie, de la Terre, des espèces, de l’Homme) sont de plus en plus contestés dans les collèges, lycées et même à l’Université, où élèves et étudiants sont depuis quelques années nombreux à opposer science et religion.

(rapport Inspecteur Général Jean Pierre OBIN datant de 2004).

Les enseignants de SVT sont particulièrement concernés quand ils abordent la théorie de l’évolution.

Exemples cités : « Toutes les connaissances se valent » « Chacun croit ce qu’il veut, on est en démocratie. » « La théorie de Darwin n’a jamais été démontrée ! » « On a le droit à la différence. ».

Une étude du Comité National d’Action Laïque de juin 2018 signale qu’un enseignant sur dix est confronté à de « fausses croyances », à « des perturbations, voire à des provocations » émanant d’élèves qui contestent leur parole.

Dans la majorité des cas on les règle par le dialogue  mais trois quart des enseignants disent ne pas avoir bénéficié d’une formation pour enseigner le principe de laïcité et que cette lacune se fait durement sentir.

4- COMPRENDRE LE PHENOMENE

Essayons d’avancer quatre hypothèses.


Première hypothèse : La CONSTITUTION FRANCAISE à travers LA LIBERTE DE CONSCIENCE autorise à croire ce que l’on veut. On ne peut pas être sanctionné à cause de ce que l’on pense.

On est même en droit impunément de penser que les enfants naissent dans les choux ou que la terre est plate.

Mais cette liberté d’opinion et de conscience ne peut tenir que si chacun ne croit pas n’importe quoi.

Guillaume LECOINTRE estime toutefois que cette liberté ne doit pouvoir s’exercer qu’à partir d’un « socle commun » de connaissances partagées qui permettent de VIVRE ENSEMBLE et que l’école publique a le devoir de dispenser auprès de tous ses élèves.

Deuxième hypothèse : LA REMISE EN CAUSE DU ROLE DE L’ECOLE PUBLIQUE:

Il ne faut jamais oublier que l’école publique française s’est construite contre les cléricaux de l’époque et qu’elle a suscité des réactions particulièrement violentes.

Une société sans école laïque, sans un minimum de connaissances partagées par les individus, mais au contraire avec une balkanisation des représentations de notre monde, déboucherait inévitablement sur un communautarisme mortifère.

Or on peut constater une dégradation de l’image et du fonctionnement de cette école. La suppression de la formation des enseignants du service public (dans les IUFM) par le Président SARKOZY en fut l’illustration éloquente.

Les écoles privées confessionnelles (1 élève sur 5) qui ont vu, en même temps, leur formation initiale maintenue constituent une concurrence parfois féroce, n’ayant pas les mêmes obligations, en vertu de leur « caractère propre » … même si officiellement les programmes enseignés doivent y être identiques.

Troisième hypothèse :

Cette contestation de la connaissance se nourrit de deux éléments :

– La lecture littérale de la Génèse, premier des cinq livres de la Bible (La Torah chez les Juifs) anonyme mais attribués à Moïse vers 1800 ans avant J.C. qui présente les origines de l’univers et de l’humanité (Genèse 1.1-25 création du ciel et de la Terre)

Pour les INTEGRISTES qui ont souvent un penchant FONDAMENTALISTE, cette version reste historiquement et scientifiquement valable.

L’influence d’Internet. Aujourd’hui les élèves disent « Je l’ai trouvé sur un site qui dit le contraire de vous. Qu’est ce qui me prouve que vous avez raison ? »

C’est comme si le Vatican avait été remplacé par Google !

Comme l’AVANCEE DES SCIENCES contredit certains textes religieux, en particulier la génétique qui identifie les caractères héréditaires, le carbone 14 qui permet de dater l’âge de la matière … les sources de conflit ne manquent pas.

Quatrième hypothèse : un DEFICIT GLOBAL D’EDUCATION conduit à amplifier le MARCHÉ DE LA CREDULITÉ.

Pour les philosophes des Lumières, l’accroissement des connaissances était nécessairement facteur de progrès.

L’apparition d’internet nous prouve le contraire, trop d’infos et des infos non contrôlées peuvent nuire à la Raison.

La multiplication des écoles privées CONFESSIONNELLES accentue ce phénomène.
Il faut pourtant espérer dans les
vertus de l’Education, mais pas n’importe comment.

Il faudrait enseigner les principes des Lumières, apprendre à penser par soi même, à faire la différence entre science et croyance … comme on apprend à lire, écrire et compter.

5- UNE TENSION DE TOUJOURS ENTRE SCIENCE , RELIGION et … POLITIQUE

En 1650 un archevêque anglican James USSHER a calculé grâce à la Bible que la création de la Terre, des animaux et des hommes pouvait être datée au dimanche 4 octobre 4004 avant Jésus Christ à 21 heures. Deux siècles plus tard le Larousse reprendra cette date.

En 1751 : BUFFON qui effectuait des expériences scientifiques sur l’âge de la Terre dans les forges de Montbard estimait que cela remontait à 10 millions d’années mais prudent annonçait entre 45 000 et 74 000 ans. Convoqué par les théologiens de la Sorbonne il est sommé de récuser ses découvertes dont les résultats remettaient en cause le contenu des textes sacrés. Il s’exécuta mais continua ses travaux.

La tension touche aussi au politique :

– En 1948 : LYSSENKO promeut en URSS la « vernalisation » censée permettre la transformation du blé d’hiver en blé de printemps en utilisant les bases températures (rapport publié dans la Pravda). Ainsi il veut démontrer qu’il est possible de modifier l’hérédité des organismes en modifiant leurs conditions de développement.

Ainsi il croit remettre en cause les lois de l’hérédité biologique qualifiées de bourgeoises prônées par le moine tchèque Gregor Mendel et veut justifier ainsi la politique de Staline.

6 – CREATIONNISME ou EVOLUTIONNISME ?

Quelles sont les deux thèses en présence ?

La THEORIE DARWINIENNE de l’EVOLUTION :

C’est en 1859 à l’âge de 50 ans, que le naturaliste Charles DARWIN, à partir des observations faites dans son tour du monde, publie son ouvrage sur « l’origine des espèces », qui reprend l’hypothèse émise vers 1800 par Jean Baptiste de LAMARCK qui affirmait que toutes les espèces vivantes proviennent d‘un seul ou de quelques ancêtres communs.

DARWIN expliquait que ce que l’on voyait pouvait s’expliquer autrement que par une création divine mais par des processus naturels, et que la diversité des êtres vivants qui nous entourent est le fruit d’une évolution que l’on fait remonter à peu près 4 milliards d’années.

Il parlait beaucoup de sélection naturelle en s’appuyant sur les pratiques ancestrales des agriculteurs qui sélectionnaient leurs semences. Mais on ne peut sélectionner que si on a une diversité une variation dans les espèces.

Certains organismes survivant plus facilement que d’autres, se reproduisent d’autant mieux s’ils ont des caractéristiques qui les favorisent dans leur environnement.

DARWIN parle ainsi de hasard, mot globalisant que l’on peut aujourd’hui préciser, qui induit les variations que l’on peut constater.

DARWIN envisage donc les notions de variation et de sélection et pose les principes toujours actuels de sa théorie de l’évolution qui sera une des plus grandes révolutions scientifiques des deux derniers siècles

En conclusion, il déduit que les espèces animales et végétales sont le produit d’un long processus évolutif.

Inquiet des réactions que ses découvertes allaient susciter, Darwin

Ces constats seront validés par les découvertes de la génétique un siècle plus tard .

Le CREATIONNISME :

Les mouvements créationnistes vont apparaître en réaction au succès de cette théorie .

Ils rejette les explications de DARWIN sur l’origine de l’Homme de la Vie et de l’Homme pour ne retenir que le récit de la Création qui doit être accepté tel qu’il est écrit dans la Bible (la Génèse).

Cette lecture affirme que l’Univers, la Terre et tous les organismes qu’elle porte ont été créés à partir du néant par une puissance surnaturelle (Dieu) .

Cette théorie est en accord avec celles des trois grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam)

7- LES GRANDES « CROISADES CREATIONNISTES » des EVANGELIQUES aux USA :

On a pu croire un temps en Europe qu’avec les progrès de la science, les créationnistes étaient une espèce en voie de disparition, mais ce ne fut pas le cas au Etats unis où des prédicateurs liés à l’extrême droite étendent leur influence jusqu’aux rabbins ultra orthodoxes en passant par les imams de l’islamisme radical.

En s’accrochant au grand récit biblique, ils mènent un combat contre les théories de l’évolution en récusant deux siècles de recherches et de découvertes anthropologiques.

Cyrille BAUDOUIN docteur en biologie et Olivier BROSSEAU ingénieur en physique, expliquent que c’est bien à partir des USA, (où l’enseignement est décentralisé), que les EVANGELIQUES s’attachent prioritairement à influencer l’enseignement créationniste dans le monde.

Là bas, les écoles publiques sont gérées par des conseils élus localement qui déterminent les contenus et les outils pédagogiques.

Le mouvement créationniste américain a été renforcé par l’arrivée à la tête des USA de présidents proches de leur mouvement : REAGAN, BUSH, TRUMP et son vice président Mike PENCE.

Un musée de la Bible a même été ouvert à deux pas de la Maison Blanche qui refuse à ses salariés d’être homosexuels, et qui leur refuse une assurance maladie intégrant la contraception.

Aux USA, les évangéliques ont mené successivement trois grandes « croisades » créationnistes :

1°) L’affaire John Thomas SCOPES : « le procès du singe » : 1920 à Dayton dans le Tennessee.

La pression des évangélistes permet le vote de la loi BUTLER qui interdit à tout enseignant d’enseigner « une théorie qui nie l’histoire de la Création divine de l’homme telle qu’elle est enseignée dans la Bible et qui prétendrait que l’homme descend d’un ordre inférieur d’animaux ».

En réaction, l’ACLU (association de défense des droits civiques) s’engage à financer le procès d’un de ses membres, qui est inculpé, ayant enfreint volontairement la loi.

Son procès est fortement médiatisé sous le nom de « procès du singe » d’où seront tirés une pièce de théâtre et un film.

John Thomas SCOPES sera condamné à 100 dollars, décision annulée quelques temps plus tard pour vice de forme.

Il faudra attendre de longues années pour qu’en 1968 la Cour Suprême remette en cause la loi BUTLER .

La théorie darwinienne de l’évolution va alors peu à peu s’imposer dans l’enseignement.

2°) La période de la science de la Création: années 1980

Après cette défaite les créationnistes vont profiter de l’élection du président Ronald REAGAN pour relèvent la tête soutenus qu’ils sont par la « Moral Majority », organisation politique lobbyiste dirigée par le télévangéliste Jerry FALWELL au service des groupes religieux évangéliques.

Il n’est plus question d’interdire les théories de Darwin, mais de les présenter comme une simple hypothèse, une supposition au côté de la science de la création obligatoirement enseignée dans les écoles.

Que dit la science de la Création ? Que pour connaître l’âge véritable de la terre … il suffit de lire les paroles de Dieu dans les textes sacrés qui nous disent que c’est « quelques milliers d’années et pas davantage ».

En 1982 le juge fédéral de Little Rock en Arkansas a jugé cette égalité de traitement incompatible avec le premier amendement de la Constitution, et il faudra attendre 1987 pour que la Cour Suprême rende illégal l’enseignement de la science de la Création … qui s’est pourtant développée dans une grande partie du monde anglo-saxon ( Australie, Afrique du Sud, Nouvelle Zélande) mais aussi Corée du Sud.

3°) L’apparition du « dessein intelligent » en 1991

Les créationnistes vont alors changer leur fusil d’épaule.

Un professeur de droit de Berkeley Philip JOHNSON publie alors «  « Darwin en procès » où il reprend les vieux argument d’un prêtre anglican professeur à Cambridge William PALEY au service du « dessein intelligent » une théorie soi disant scientifique  qui remet en cause la sélection naturelle et la notion de hasard.

Il bénéfice du soutien de Bruce CHAPMAN ex-conseiller de REAGAN

Le message est simple : « Face à la complexité du monde, comment ne pas discerner l’œuvre d’une intelligence, d’un projet intelligent ? » C’est l’argument du « grand horloger » qui réglerait tout dans notre monde.

Mais pas plus que la Bible, Dieu n‘y est nommé.

De nombreux universitaires utilisent leurs titres pour défendre cette théorie qui bénéficie d’importants moyens financiers fournis par les Eglises Evangéliques pour développer leur propagande recours à internet, à la télévision, aux ouvrages et conférences, mais aussi avec l’ouverture en 2007 d‘un musée dans le Kentucky véritable temple du créationnisme qui se dit scientifique.

Des musée du même type « Le monde préhistorique » en Suède, « Le pré-monde vivant » en Allemagne, ou « Le pays de la Génèse » en Suisse promeuvent la fixité des espèces en exposant des « fossiles vivants » ou même en reconstituant « grandeur nature » l’arche de Noë..

8 APRES LES USA … L’EUROPE,

L’influence des mouvements religieux à remettre en cause la théorie darwinienne de l’Evolution gagne donc aussi notre continent au point que le Conseil de l’Europe s’en est inquiété.

Guy LENGAGNE mathématicien et député européen et ancien ministre socialiste, alors rapporteur de la Commission Culture, Science et Education y publie un rapport sur « les dangers du créationnisme dans l’Education ».

Si le Vatican fit alors pression, sans grand succès, pour bloquer ce rapport, la revue catholique GOLIAS précisa alors que ce rapport avait bien pour objectif de «libérer la science de l’idéologie et du fanatisme religieux » 

Qu’y trouve t-on ?

En Grande Bretagne, en 2006, plus de 5 000 collèges et lycées reçoivent gratuitement du matériel « éducatif » destiné à promouvoir une alternative à la théorie darwinienne de l’évolution .

Mais dans plusieurs pays les MINISTRES DE L’EDUCATION se font les défenseurs des thèses créationnistes :

En Italie, en 2004, dans le gouvernement BERLUSCONI, Laetizia MORATTI impose l’enseignement de la version biblique de la création à tous les collèges italiens en remplacement des théories de Darwin.

Dans ce pays, si le Pape Jean Paul II en 1996 reconnaît que si « la théorie de l’évolution est plus qu’une hypothèse  au regard des nouvelles connaissances » son successeur Benoit XVI en 2005 affirme « l’homme n’est pas le produit accidentel et dépourvu de sens de l’évolution » mais il ajoute que « chacun de nous est le fruit d’une pense de Dieu » et que la théorie de l’évolution n’est pas « démontrable en laboratoire ».
En Serbie la même année, Ljiljana COLIC ministre de l’Education, déclare que la théorie de Darwin comme la version de l’Ancien Testament sont également dogmatiques.

Au Pays Bas en 2005, Maria Van Der Hoeven ministre de l’Education, estime que le dessein intelligent pourrait être après débat enseigné dans les écoles.

En Pologne en 2006, Mirolsaw ORZECHOWSKI vice ministre de dans le cadre de la réforme des programmes scolaires y introduit « les valeurs catholiques » dans les programmes scolaires.

En Allemagne, la même année, Karin WOLF de la CDU , soutient l’enseignement créationniste dans des écoles de son land de Hesse.

Estimant que « l’accès à la science fait partie des doits de l’Homme, Guy LENGAGNE n’hésite pas à qualifier ces attaques des créationnistes de « cancer très avancé » ou de « prémisses à un retour au Moyen Âge ».

En Espagne en 2015, le gouvernement de Mariano RAJOY a soutenu l’Eglise catholique dans son souhait de «  faire comprendre l’origine divine du cosmos ».

Depuis ERDOGAN a retiré (en 2018) Darwin des programmes scolaires. Et des mouvements de type sectaire ne se tiennent pas à l’écart de ce débat.
La
Scientologie semble accepter une évolution non darwinienne … mais qui aurait été pilotée par des esprits immortels les « thétanes » d’origine extraterrestre et arrivés sur Terre il y a 35 000 ans.

Dans notre pays aussi, les créationnistes se sont organisés.

Du côté des Catholiques anti évolutionnistes on peut noter :

– Le C.E.S.H.E. ( Cercle scientifique et historique) veut « réconcilier la science et la foi dans les intelligences et les cœurs ». Guy BERTHAULT polytechnicien en assure la présidence.

– Le C.E.P. ( Centre d’études et de perspective sur les sciences) qui a pour but de « rétablir un pont nécessaire entre la science et la foi ». Dominique TASSOT, un ingénieur des mines qui s’exprime fréquemment sur Radio Courtoise le préside. Dans ses publications le CEP explique que « la science nous cacherait l’existence d’une race de géants aujourd’hui disparue » ce qui contredirait les théories de Darwin.

– L’I.U.P. (Université interdisciplinaire de Paris) présidée par le psychophysiologiste Jean François LAMBERT s’appuie sur un grand nombre de scientifiques et personnalités pour organiser des grandes conférences associant sciences et religions : le Cardinal POUPARD, le philosophe et homme politique Luc FERRY,

le biologiste aujourd’hui décédé Jean Marie PELT , la paléontologue Anne DAMBRISSON-MALASSE . Cette dernière s’appuie du théologien jésuite et paléontologue TEILHARD de CHARDIN pour soutenir que l’évolution est « dirigée » ce qui est en phase avec le dessein intelligent.

9- APRES LES EVANGELIQUES LES AUTRES RELIGIONS 

Du côté des Musulmans, Faouzia CHARFI, physicienne tunisienne affirme que la jeunesse de son pays est «  séduite par les miracles scientifiques du Coran » et s’inquiète de voir la puissance des créationnistes musulmans qui rejettent la théorie de l’évolution … en opposition avec les grands courants scientifiques et historiques de l’Islam .
En effet, dès les 8ème siècle,
Al Jahiz (savant écrivain et théologien musulman originaire de ce qu’est aujourd’hui l’Irak) ) dans son « livre des animaux » introduit la notion d’évolution des espèces et le rôle que peut jouer l’environnement. On retrouve des thèses voisines chez Averroès.
Faouzia CHARFI affirme que
la science a quitté le monde musulman en 1575 à Istanbul avec le sultan Mourad III et elle dénonce le rôle des grandes universités musulmanes (La Zitouna à Tunis, ou El Azhar au Caire) qui au lieu d’être le vecteur de transmission de cette grande civilisation se sont contentés d’être un vecteur de la seule transmission d’une tradition qui exclut la science.

A la fin du XXème siècle s’est nouée une sorte d’alliance entre les Evangéliques américains et les Islamistes.

En France, dès 2 000, Mohamed KESKAS professeur agrégé de biologie diffuse dans les établissements scolaires, son ouvrage «  La théorie de DARWIN , le hasard impossible – la théorie de l’évolution des êtres vivants analysée par un croyant » .

Jean Pierre OBIN Inspecteur général de l’Education dans un rapport au ministre en signale le danger et souligne que le TABLIGH (mouvement sectaire musulman d’origine pakistanaise) a largement diffusé l’ouvrage auprès des élèves.

En 2007, une autre attaque encore plus virulente est venue de Turquie, à travers un livre d’Harun YAHYA « L’Atlas de la création » richement illustré de 800 pages, tome un d’une série prévue pour en contenir sept. Largement distribué dans les établissements scolaires français mais aussi dans les librairies musulmanes et par le web, il poussa le ministre de l’Education d’alors Gilles DE ROBIEN à en interdire la mise à disposition de l’ouvrage aux élèves.

Harun YAHYA en relation directe avec les créationnistes américains, y dénonce le darwinisme et veut faire disparaître la théorie de l’évolution de l’enseignement au profit du Coran et de l’islam.

Il n’hésite pas à promouvoir l’union des grands monothéismes contre le darwinisme, avec toutefois une nuance : contrairement aux autres religions, il s’accommode très bien de l’ancienneté de la Terre.

Certaines de ces opérations de propagande bénéficient d’un soutien financier des grands groupes multinationaux (Pour l’I.U.P. L’Oréal, PSA, Auchan, Synthélabo et mêle EDF …) mais aussi de grandes fondations américaines comme la John Tappleton Fondation qui délivre chaque année des dizaines de millions de dollars pour financer « les progrès en sciences et religions ».

10- L’APPORT DES PHILOSOPHES

En France, dès 1792, CONDORCET à la tribune de la Convention il déclarait que l’école devait enseigner des savoirs et non des opinions ou des croyances religieuses parce qu’il a fait le pari avec la République de fonder la citoyenneté sur des savoirs partagés.

L’intelligence critique est indispensable à la démocratie républicaine telle qu’il l’avait pensée.

Elle ne permet pas seulement l’épanouissement de notre liberté , mais aussi d’émettre des opinions fondées sur des arguments, de favoriser le dialogue et de pacifier les rapports sociaux.

Avec CONDORCET il faut fonder la Citoyenneté sur la Raison et non plus sur la Foi.

C’est une position fondamentalement laïque et politique.

En dehors cet apport de Condorcet et de sa défense de l’instruction publique, on peut citer quelques philosophes qui ont développé des thèmes en relation avec notre problématique:

1 René Descartes et le Rationalisme : la méthode cartésienne veut effacer les discours du Moyen Age et leur incertitude; elle vise à établir des règles permettant l’erreur de jugement; elle préconise la déduction afin d’aboutir à la véritable connaissance.

2 Emmanuel Kant : ses écrits, en particulier “La critique de la raison pure”, représente une rupture avec le monde chrétien; il n’existe pas de vérité révélée, rien n’est donné, tout est construit, l’expérimentation établit des relations entre les phénomènes, il s’agit de formuler des hypothèses permettant de relier causes et conséquences et parvenir à des lois universelles; notre pensée est structurée grâce à des cadres (notions de temps, d’espace, catégories intellectuelles…) qui nous sont donnés a priori.

Par contre, certaines idées ne sont pas démontrables, on ne peut que décider d’y adhérer ou non : c’est la croyance, la foi (par exemple, l’idée de Dieu ).

3 Gaston Bachelard : il affirme la nécessité de remettre en cause par “rupture épistémologique” les dogmes antérieurs pour progresser sans cesse vers plus de perfection dans la description du réel; la connaissance scientifique suppose d’écarter rumeurs, opinions et croyances.

4 Nietzsche dans « L’Antéchrist » , déclare la guerre au christianisme et fait l’éloge de la science.

Il identifie ce qu‘il appelle «  la peur infernale de Dieu devant la science » et se réjouit de « l’avènement des ingénieurs » en qui il voit des « guerriers de l’antireligion ».

« C’en en fait des prêtres et des Dieux quand l’homme devient scientifique » écrit-il.

Et il imagine que Dieu dépassé par la science devient exterminateur «  Et une dernière décision vint à l’esprit de l’ancien Dieu : L’homme est devenu scientifique – rien n‘y fait, il faut le noyer ! »

Ceci étant très résumé et certainement très schématique, l’utilisation de ces auteurs mériterait un travail plus approfondi.

D’autres pistes de lecture :

– Alexis ROSENBAUM philosophe à Panthéon Sorbonne . (Eureka ! petite histoire des sciences en 40 citations)

– Armand DE RICLES titulaire de la chair de Biologie historique et évolutionniste au Collège de France (Biologie historique et évolutionnisme)

– Jacques ARNOULD  historien des sciences et théologien français. (Dieu versus Darwin)

– José RODRIGUES DOS SANTOS -roman passionnant- (La formule de Dieu)

– Alain POCHIANTZ neurobiologiste, professeur au Collège de France (Singe toi même)

Pour les enfants : 25 idées (Vrais – Fausses) en sciences. Petit livre réalisé à l’occasion de la fête des sciences 2018 par les Editeurs de Sciences pour Tous.

Diffusé par le Syndicat National de l’Edition et qui ne peut être vendu.

Merci à Bernard FURNON du cercle Condorcet de Roanne pour sa contribution à propos de l’apport des philosophes.

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